Combien sont-ils, il y a cinq, dix, vingt ou trente ans, à avoir tué en échappant à la patrouille ? Combien sont ainsi restés libres de récidiver et laissant des familles, quelquefois des localités entières, livrées à l’angoisse, au soupçon, au chagrin éternel ? C’est la question très lourde qui plane au-dessus du pôle de Nanterre depuis sa création en mars 2022 et à vrai dire, elle reste aujourd’hui encore taboue. Il n’y a en effet toujours aucune évaluation officielle, même grossière, du crime sans châtiment en France, ce qui paraît proprement impensable à l’ère numérique. Lorsqu’il avait annoncé à la presse la création du pôle des « crimes sériels et non élucidés », le Garde des sceaux Éric Dupond-Moretti avait évoqué 173 dossiers non résolus « pour lesquels la justice [était] saisie ». Ce chiffre, déjà dans l’absolu important, avait été contesté, car outre qu’il semblait sous-évalué, il ne tenait volontairement pas compte d’une réalité juridique gênante pour le système, plutôt jusqu’ici restée sous le radar, une incongruité érigée en méthode ordinaire.
Jusqu’à très récemment en effet, pour de pures questions d’administration comptable et d’encombrement des cabinets, les juges d’instruction avaient pour habitude