Ce n’est pas la première fois qu’une scène telle que celle qui est survenue le 23 novembre dernier place de la République, où la police a très violemment évacué un camp de migrants, se déroule en plein cœur de Paris. En décembre 2007, les Enfants de Don Quichotte avaient déjà tenté d’installer 250 tentes non loin de la cathédrale Notre-Dame pour attirer l’attention sur le sort des personnes sans domicile fixe. La réponse ne s’était pas fait attendre : évacuation ordonnée par Christine Boutin, alors ministre du Logement et de la Ville, avec, déjà, des brutalités policières. En mémoire aussi, l’évacuation des sans-papiers de l’église Saint-Bernard, le 23 août 1996, à Paris, dont la porte avait été défoncée avec « humanité et cœur » à coups de hache par les gendarmes mobiles. Le 23 novembre dernier, il n’était plus question d’humanité ni de cœur : nous avons assisté derrière nos écrans au molestage des laissés-pour-compte de l’évacuation du campement de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui s’étaient réfugiés place de la République, sous le regard impassible d’une Marianne de bronze (lire l’épisode 6, « On a marché sur la République »).
Les images choquent mais au moins, en plein débat sur l’article 24 de la loi « sécurité globale » qui vise à les limiter (lire l’épisode 5, « Libertés : une semaine de flou furieux »), y a-t-il eu des images. Car ce qui s’est passé ce 23 novembre se déroule quotidiennement aux bordures de notre pays, à l’intérieur de nos propres frontières, dans ces zones d’ombre de la République, loin des médias, loin des caméras. Là où l’exception est devenue la règle.
La question est sensible. Au téléphone, un responsable d’une ONG qui travaille avec l’État sur l’ensemble du territoire souhaite rester anonyme. En quelques mots, il nous affirme que ce qu’il s’est passé à Paris il y a deux semaines n’a rien d’exceptionnel : « Je vais être clair, je ne peux pas le dire officiellement, mais on demande aux forces de l’ordre de tout faire pour que les exilés ne puissent se poser quelque part. Et quand je dis “tout”, je veux dire que les autorités ne sont pas regardantes tant qu’il y a du résultat. » Ce « résultat » dont nous parle ce cadre, c’est ce que Nathanaël Caillaux, chargé de projet Migrants au Secours catholique, appelle la politique du « zéro point de fixation ». Depuis cinq ans maintenant qu’il travaille dans les Hauts-de-France, il parle d’