Charlie, toute cette douleur, tout ce sang et cet immense sujet désormais historique et planétaire, soudainement, ce fut Richard Malka. Dans une plaidoirie fiévreuse, l’avocat historique du titre depuis 1992, orphelin inconsolable de ses amis, enfermé comme tous les survivants dans une vie désormais barricadée entre deux gardes du corps, a tout jeté à la face du monde, ce 4 décembre. Il dormait mal depuis le début de cette audience à nouveau souillée de sang par les trois attentats de la rue Nicolas-Appert, de Conflans et de Nice. Il avait repoussé son intervention pour cause de hernie discale, une réplique psychosomatique de celle de 2015, soignée par infiltration. Il ne s’était pas impliqué dans les débats sur l’éventuelle implication des onze accusés présents, mais s’était préparé des nuits entières, relisant tout, exhumant de vieilles éditions de Charlie, refaisant l’histoire de la liberté d’expression. C’est le dossier d’une existence, c’était la plaidoirie de sa vie et elle fut comme un cri de rage, en mémoire des victimes de cette farce tragique. Ce moment d’éloquence aurait presque fait rêver de la fin que trouvera forcément un jour ce cauchemar absurde des caricatures.
On ne peut pas renoncer à la libre critique de la religion (…) parce que ce serait renoncer à notre histoire, à l’indomptable liberté humaine.
« De quoi n’ai-je pas le droit de rire ? Du dogme qui veut que Ève a été créée à partir d’une côte d’Adam ? Que les serpents avaient des pattes avant qu’ils nous fassent succomber à la tentation ? Que Moïse a ouvert la mer en deux ? Que Jésus marche sur l’eau ? » Fustigeant ceux qui veulent qu’on lève le pied sur les moqueries visant la religion, l’avocat de 52 ans a répété la position de principe de Charlie.