«L’application Deliveroo, c’est un ordre numérique patronal. » Le 9 mars au soir, le tribunal se retire sur les derniers mots d’Édouard, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes de Paris, le Clap. Les anciens dirigeants de Deliveroo France, poursuivis pour « travail dissimulé » devant le tribunal correctionnel de Paris, pourront riposter lundi. Dans ce procès qui fait la part belle aux éléments de langage, ils reprendront les leurs. On ne parlera pas de « livreurs », mais de « prestataires de services ». Depuis son implantation française en 2015, la plateforme britannique est parvenue à s’imposer comme principale concurrente du leader Uber Eats. Son modèle repose sur le recours à des livreurs indépendants, là où l’Inspection du travail estime qu’ils devraient être salariés. Voilà donc tout l’objet des débats (lire l’épisode 1, « Deliveroo : gros gains, gros procès »).
Le projet de Deliveroo, c’est Deliveroo qui en parle le mieux. En préambule de l’audience, on visionne donc un clip fait maison et destiné aux nouveaux livreurs. En quelques minutes, Deliveroo s’y présente comme une équipe de « foodies passionnés », désireuse de créer « une communauté de bikers ». Tenue réglementaire, connexion à la plateforme, réception du plat au restaurant, validation… Toutes les étapes d’une commande réussie sont détaillées. « L’application permet de vous géolocaliser et de vous suivre en temps réel », précise la voix off. Puis ajoute : « Les données collectées permettent de récompenser les meilleurs d’entre vous. » C’est le fameux système d’évaluation des livreurs. Sur cette base, les coursiers pourront obtenir des bonus ou des sanctions. À la barre, l’inspectrice du travail explique avoir justement étudié scrupuleusement « le système de contrôle et de sanctions », pour conclure à l’existence d’un « lien de subordination ». Cette conclusion est le point de départ de l’enquête pénale, qui a mené au procès. « Dans ce film, on voit une multitude de “gestes métiers”. Du contrôle de la tenue au mode de facturation, on entre dans des détails extrêmement précis qui laissent une liberté quasi inexistante au livreur », conclut la fonctionnaire. Peut-on alors prétendre que les livreurs sont indépendants, alors qu’ils sont contraints de suivre un protocole de livraison strict sous le contrôle d’un algorithme ? Deliveroo a bien tenté de le plaider en présentant à la barre deux livreurs épanouis, mais sans grand succès.
Voici les profils. D’abord,