Tout le monde s’accorde à le dire : Jacques Rançon est un « pauvre type ». Même son avocat tend à le désigner ainsi, « avec tout le respect qu’[il] lui doit ». Une manière de dire, en somme, que « Jacques Rançon n’est pas un génie du mal ». « Si on met de côté les actes qu’il a commis, c’est une personnalité normale, cordiale, presque attachante. Rien ne transparaît de sa personne qui laisserait à penser qu’il ait pu commettre des faits aussi graves, souligne Gérald Brivet-Galaup. Il a eu une vie dégueulasse, une enfance dégueulasse, mais ce n’est pas le prince des ténèbres. » Derrière les multiples agressions sexuelles, les viols et les homicides se cacheraient donc des traumatismes d’enfance. L’argument semble un peu convenu, presque épuisé dans la défense des criminels en attente d’un procès. Mais, une semaine avant l’audience pour le meurtre d’Isabelle Mesnage (lire l’épisode 1, « Jacques Rançon, un serial killer en Somme ? »), peut-être cet argument vaut-il le coup d’être regardé de plus près.
La vie de Jacques Rançon se forge dans la brique. Une brique rouge comme brûlée par le soleil voilé de la Picardie. Dans la Somme, où il naît en mars 1960, le bâti est ainsi fait. La brique écrase toute autre tentative d’urbanisme, l’ocre prend le pas sur le gris des routes et détonne avec la couleur paille des champs qui s’étendent à perte de vue jusqu’à Amiens, à une dizaine de kilomètres à l’ouest. Il pousse son premier cri à Hailles.