Toute la semaine, des personnages d’un autre temps se sont succédé à la barre. Quand Isabelle Mesnage a été retrouvée dans une clairière du lieu-dit La Tête du Bois l’Abbé, il y a 35 ans, ils avaient 30 ans tout au plus. Les années ont déformé les visages, les corps et, parfois, les souvenirs. Dans le box vitré, les yeux la plupart du temps baissés vers le sol, Jacques Rançon est méconnaissable. Il porte une chemise blanche, de plus en plus froissée à mesure que les jours passent. Surtout, il est loin le Rançon à la barbe mal entretenue et au visage bouffi. Amaigri, rasé de près et lunettes sur le bout du nez, il faut le regarder longtemps pour voir celui dont le visage a marqué Perpignan lors de son procès en mars 2018.

Nouveau discours, nouveau visage, nouveau procès. Pour sa troisième fois aux assises, Jacques Rançon devait répondre de la disparition d’Isabelle Mesnage, jeune femme « affirmée, indépendante, libre ». Le 28 juin 1986, elle quittait son appartement de Corbie, près d’Amiens, pour une destination inconnue. Allait-elle à Outreau rejoindre des amis à un rassemblement catholique ? Partait-elle pour une randonnée ? Seule ? Accompagnée ? En tout cas, elle n’est pas arrivée à destination. Cinq jours plus tard, son corps est retrouvé dans une clairière. Sans short ni culotte, face contre terre. En la retournant, les gendarmes découvrent un visage dévoré par les vers et, à la place du pubis, un trou béant où des poignées d’asticots prolifèrent. À quelques mètres, dans les ronces, on trouve son short de course bleu électrique et sa culotte.
Dit comme cela, la présence de Jacques Rançon à la barre ne semble pas évidente.