«Le singe qui devait être en taule est aujourd’hui une championne. » Quelques secondes après avoir gagné l’or olympique ce lundi 8 août, face caméra, la judoka Rafaela Silva répond fièrement aux critiques racistes dont elle a fait l’objet. Comme la plupart des habitants des favelas, elle ne veut plus se taire et s’affiche conquérante. Le temps où les favelados avaient honte de leurs origines a vécu. Dans les gradins à quelques mètres de là, son père sourit, en larmes : Aujourd’hui, ça va être la fête à la Cité de Dieu
, son quartier d’origine. Quinze jours après le sacre de Rafaela Silva, on se pointe là-bas avec Vincent Rosenblatt, le photographe, pour voir ce que pensent les habitants de sa victoire et des Jeux olympiques.
Sa victoire brise les préjugés, c’est important pour nous. Quel autre héritage les JO vont nous laisser ?
La route de Grajaú traverse les montagnes de l’immense forêt de Tijuca encerclée par la ville. En sortant de la forêt, les condomínios luxueux, ces résidences privées et sécurisées, se succèdent. Mais en quelques centaines de mètres, maisons et immeubles se font plus modestes jusqu’à faire place aux premières maisons de la Cidade de Deus, sans que le contraste ne soit frappant. Si on reste sur l’artère centrale du quartier, on peut y passer sans s’en rendre compte. La plus fameuse des favelas de Rio de Janeiro semble cachée derrière les montagnes du parc de Tijuca où son destin s’est longtemps joué à l’abri des regards. Les successions des expulsions de la zone Sud dans les années 60 ont peuplé ce quartier d’habitants laissés à eux-mêmes. La violence s’y est faite une telle place qu’à la fin des années 70, elle a poussé un certain Steliano Franco do Santos à quitter la Cité de Dieu pour s’installer près des berges tranquilles du lac de Jacarepaguá, où il avait pris l’habitude de pêcher. Ce même lac qui borde Vila Autódromo (lire l’épisode 2, « Les résistants de la favela »), fondée par ce même Steliano Franco do Santos. Il y restera jusqu’à son expulsion 36 ans plus tard. Pendant tout ce temps, il a résisté aux différents gouvernements et promoteurs. Mais en 2014, quelques mois après avoir quitté sa maison, il est mort à 89 ans.

Les pauvres peuvent bien s’entretuer, tout le monde s’en fout. Le succès du film La Cité de Dieu en 2002 a bien provoqué une prise de conscience au Brésil, mais rien n’a vraiment changé. Le gang du coin, le Comando Vermelho, a repoussé les incursions des milices et continue de régner en cohabitation plus ou moins violente avec l’