Sur le chemin du retour de la favela de Rocinha, aucun haut-parleur perché sur un camion ne hurle à pleine balle un refrain entêtant vantant les mérites d’un candidat quelconque. Aucune armée de petites mains ne distribue des tracts au feu rouge sous une flopée de drapeaux partisans. Les quartiers que l’on traverse sont juste encombrés de leurs habituels embouteillages. À un mois des élections municipales de 2016, les partis changent leurs habitudes et préfèrent la jouer discret : les Jeux olympiques viennent de se terminer, personne n’a la tête aux élections. Les 11 000 sportifs, la cohorte de reporters et de touristes se sont tous tirés et Rio tient une gueule de bois olympique. Au volant de la voiture, Marcelo Freixo, député et candidat à la mairie, répond aux questions des journalistes et n’y va pas par quatre chemins : Au-delà des performances sportives, la seule bonne nouvelle à tirer de ces Jeux nous vient de Vila Autódromo. C’est un symbole, une preuve que la résistance est la meilleure des solutions.
Plusieurs habitants de cette favela, rasée en vue des JO, ont refusé de partir et obtenu de la mairie la construction de nouvelles maisons (lire l’épisode 2, « Les résistants de la favela »).
Marcelo Freixo est du genre détendu. Dans sa voiture, il ramène deux autres journalistes français vers le centre-ville parce que c’est sur [s]on chemin
et se fait chambrer parce qu’il a pris du poids dernièrement. Mais il redevient très vite sérieux quand on aborde la politique. Avec son parti, le Psol (Partido Socialismo e Liberdade, Parti Socialisme et liberté), il appuie la lutte des habitants depuis le début. Dona Penha, l’une des égéries de la lutte de Vila Autódromo, s’est d’ailleurs fendue d’une vidéo en soutien à un conseiller municipal de ce parti.

Quelques heures plus tôt, nous avons retrouvé Marcelo Freixo en pleine campagne électorale au bas de l’immense Rocinha, l’une des plus grandes favelas d’Amérique latine. Accroché entre le Morro dois irmãos – « la colline des deux frères » – et la forêt da Tijuca, l’amas de maisons semble prêt à déferler sur le visiteur imprudent. Pendant longtemps, Rocinha fut le cauchemar des bourgeois de la zone Sud. Les étudiants de la très chic PUC, l’université catholique, redoutaient de s’y prendre une balle perdue en plein cours.