Un homme infidèle qui tue sa femme plutôt que de la quitter. Une maîtresse sous emprise. Un meurtre prémédité, déguisé en un cambriolage qui aurait mal tourné. L’appel au secours du mari, manipulateur en diable, une heure et demie après être passé à l’acte. Un triangle amoureux mortifère dont l’histoire, quand toutes les pièces du puzzle sont rassemblées, semble d’une banalité confondante. Et pourtant… Il aura fallu l’appui du département des sciences du comportement du Service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) pour transformer les intuitions des enquêteurs en informations objectives et documentées. Pour qu’enfin Sylvain Dromard, 57 ans, patron d’une entreprise de menuiserie à Saint-Martin-d’Ablois (Marne), soit condamné pour le meurtre de sa femme Laurence, coiffeuse dans le village, à trente ans de prison. Et Murielle Bonin, sa maîtresse, une secrétaire de direction de 52 ans, acquittée lors de leur procès en appel, en septembre 2017, devant la cour d’assises de l’Aube.
Août 2010. Le commandant Marie-Laure Brunel-Dupin, « profileuse » (analyste comportementale en français) et cheffe du département qu’elle a créé en 2001, reçoit un appel du major Turk, de la section de recherche de Reims, qui lui demande de l’aide. Le 15 juillet, une femme a été sauvagement assassinée d’une dizaine de coups portés à son visage à l’aide d’un objet contondant qui s’avèrera être une batte de base-ball, à son domicile. Le meurtre est sanglant, le mobile donné par le mari (le cambriolage) douteux. Nommé adjoint du directeur d’enquête, Didier Turk trouve la scène de crime « troublante », la maîtresse « pas claire » et la personnalité du veuf « hors du commun ». « C’était un homme qui ne manifestait aucune émotion, aucune empathie, avec un ego surdimensionné et, à mon sens, très manipulateur », explique-t-il aux Jours. L’appel est entendu, la mission acceptée. Marie-Laure Brunel-Dupin se rend à Saint-Martin-d’Ablois (Marne) un mois après les faits. Son but ? Essayer, sur la base de constatations objectives, de « comprendre ce qui s’est passé, et dans quel ordre ». Avec une règle d’or : ne jamais spéculer. Et une condition sine qua non : ne rien savoir, à ce stade, des suspects potentiels.

Durant une heure, elle écrit tout ce qu’elle voit, tous les éléments de contexte qui lui permettront, entre autres choses, de répondre à une question cruciale : l’intention première de l’agresseur était-elle de voler ou de tuer ? « C’est un faisceau de faits qui, dans ce cas précis, nous a orientés vers le meurtre. L’heure d’abord. Vers 20 heures [l’heure de l’agression évaluée par les experts, ndlr], en juillet, il fait encore jour. L’importance de la prise de risque ensuite : la maison était d’évidence occupée, et très exposée au voisinage. Une prise de risque démesurée par rapport au montant du vol déploré », explique la jeune femme d’une voix assurée et dynamique.