«Vendredi, je suis assez pressé d’y être. » Vincent Martinez dit ça sans engouement. Ce vendredi 27 mai, le magasinier d’Air France sera jugé en correctionnelle au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) avec quatorze autres collègues ; certains pour « violences en réunion », d’autres pour « dégradations en réunion ». Ces quinze salariés sont tous syndiqués : quatorze à la CGT, un à FO. Il y a sept mois, le 5 octobre dernier, ils ont participé à la journée d’action qui s’est terminée par l’arrachage de la chemise de deux hauts cadres de la compagnie (lire l’épisode 1, « Le jour de la chemise »). Ce jour-là, Vincent Martinez n’a pas arraché de chemise : il a poussé un vigile en pleine course, ce dernier a chuté, entraînant au sol avec lui le DRH, Xavier Broseta, et un second vigile. Les images de cette « poussette », diffusées en boucle sur BFMTV et même sur la chaîne américaine Fox News, ont chamboulé sa vie. Quelques jours après les événements, j’ai très mal vécu la perquisition à mon domicile, ainsi que les trente-six heures de garde à vue qui ont suivi.
Une garde à vue qui date du 12 octobre, une semaine après sa « poussette ». Ce même jour, Air France annonce à la presse son intention de le licencier, ainsi que quatre autres collègues. Le lendemain, le Parquet signifie aux cinq salariés leur renvoi devant un tribunal correctionnel. Le rôle de la direction d’Air France dans cette journée fatidique, comme Les Jours l’ont révélé le 4 mai dernier (lire l’épisode 3, « Dérapage anticipé »), s’avérera plus ambigu qu’il n’y paraît. Mais, à ce moment-là, Vincent Martinez et ses collègues l’ignorent. Dans les médias, ils ont le mauvais rôle. Le magasinier cégétiste d’Air France est alors en arrêt de travail pour dépression, il prend des cachets pour dormir.

Le 20 janvier le tirera du gouffre. Ce jour-là, l’inspection du travail rend une décision qui refuse son licenciement. On peut dire que cette date a été comme une renaissance. C’est vraiment le mot. L’ancien Vincent déprimé est mort, j’étais joyeux de retourner au travail, prêt à me battre de nouveau.
Le lendemain, la direction annonce son intention de faire appel auprès du ministère du Travail. Nouvelle claque. Mais Vincent l’encaisse mieux, car il ne passe plus ses journées à la maison, mais au boulot.