Comment relancer les discussions au cours d’un dîner un peu mou ? Tentez un tour de table des pires souvenirs de cantine, ça fait toujours son effet. Le mien, c’est un repas servi régulièrement pendant mes années collège, qui incarne parfaitement les aberrations possibles dans les lieux de restauration scolaire. Son nom : la palette à la diable.
Ce plat consistait en une généreuse tranche de porc noyée dans une sauce à la fois très sucrée et très salée – parfaite donc pour les frites. Ça tombe bien, on en avait droit à une pleine assiette en accompagnement. On dévorait donc les frites industrielles pleines de sauce en prenant garde bien sûr à ne pas toucher à la semelle enrobée de gras qui faisait office de viande, et finissait donc à la poubelle. J’en ai croqué une fois, et le dégoût que j’ai ressenti alors fut, je crois, une petite vengeance pour le porc en question sur les horreurs subies pendant toute sa vie.
Du sel, du sucre, de la souffrance animale et surtout beaucoup de gâchis. Sert-on toujours ce genre de repas dans les cantines aujourd’hui ? Plutôt oui, si l’on en croit la journaliste Sandra Franrenet, qui publie ce mardi Le Livre noir des cantines scolaires (éditions Leduc) dans lequel elle dénonce la malbouffe, le sucre, le gaspillage et les aliments transformés omniprésents dans la restauration scolaire française.
Pour comprendre pourquoi on nourrit ainsi les enfants, il faut parler gros sous. Car avant de leur être servi, les repas font l’objet d’appels d’offres qui sont soumis au Code des marchés publics. On vous passe les détails mais en gros, ce code impose quasi systématiquement au gestionnaire de cantine de choisir l’offre la plus avantageuse financièrement.

Certes, en 2007, le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 20 % de produits bios dans les cantines. Et certes, la loi « alimentation » votée cet été a réaffirmé ce même objectif pour 2022, ainsi qu’un plus flou et très souple seuil de 50 % d’aliments – accrochez-vous – « acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ». Ce qui correspondra probablement à tous les aliments bénéficiant d’un label de qualité ou d’une certification environnementale. Les contours exacts des aliments choisis dépendront beaucoup des décrets d’application de cette loi. En attendant, comme avant chaque rentrée, on voit,