C’est l’un des derniers géants. Le préféré de Coline, aide-soignante de 33 ans qui ne badine pas avec le ravitaillement, sa mission (son mari ne conduit pas), son plaisir. « C’est moi qui fais les grosses courses et j’adore ça », lâche-t-elle un samedi matin à 10 h 05 sur le parking du Géant Casino de Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône. Un bien gros (avec environ 10 000 produits référencés), qui n’a pas fondu (en dix ans, les Géant d’environ 8 000 mètres carrés sont passés de 125 à 81 en France, et ne seront bientôt plus que 61). Coline veut du choix. Et des promos à gogo. Manifestement, elle n’est pas la seule : « Y a déjà une pénurie de chariots, j’y crois pas, c’est blindé de monde. » En voilà un qui enfin se libère. Les baskets crissent sur le goudron. À l’attaque. La liste en main, il s’agit de dévaliser les rayons pour un mois, sans y passer la journée. En tête de liste de la famille de quatre personnes dont un bébé, des bières XXL (ce qui veut dire beaucoup), un max de viande qui sera débitée puis congelée, 3 kilos de poulet, 4 plaquettes de beurre, 7 baguettes « pour monsieur qui mange beaucoup de pain », des stocks de knackis, des maxi-cookies, des patates en réduc, des petits suisses à l’image de La Pat’Patrouille (le petit de 4 ans en est fou, comme moult mouflets nourris à la série animée) et une incongruité qui fait marrer : pas moins de 6 salades (et pas en sachets)… pour les tortues.
Comme une patineuse sur de la glace bien lustrée, la trentenaire exécute son programme sans faute. À 11 heures, arrivée en caisse, avec un chariot plein comme un boudin (expression québécoise) : « On est bons », sourit la pro. « À 11 h 20, on sera à la voiture… Ben oui, y en a encore qui payent par chèque. Et puis j’ai encore mis les sacs au fond du chariot sous la bouffe, faut que j’en rachète. » Total des courses mensuelles ? 345 euros, moins 10 euros de réduction. « Pour le budget bouffe, on n’est pas loin de 500 euros par mois. Tout est de plus en plus cher, je fais gaffe. Le bio, ma mère m’y pousse mais j’en aurais pour le triple. Et puis les histoires de “sans pesticides”, c’est un peu comme le nuage de Tchernobyl qui se serait arrêté avant l’Hexagone, non ? En revanche, j’essaie de manger local. »

Ainsi, outre cette razzia mensuelle, l’alimentation de la famille est complétée par quelques virées dans des supermarchés plus petits, mais aussi par un panier hebdomadaire de fruits et légumes chez un producteur et quelques échappées chez Grand Frais.