Dans cet univers, le mythe de la Terre promise persiste. Même si les délires évangéliques ont été relégués au second plan dans le secteur du marketing relationnel, chez les « jeunes traders », tout le monde en rêve. Remplir son compte en banque et vivre la grande vie. Pas en France, non. La grande vie, la vraie, se situe plus au sud, au milieu du désert, dans cette oasis préfabriquée qui se nomme Dubaï. Tous ceux qui ont réussi finissent par s’y installer. Dubaï, c’est le graal. Alors pour y arriver elles aussi, les jeunes recrues courbent l’échine (lire l’épisode 2, « Salut à toi, jeune souffre-douleur ! »), enchaînent les « calls » pour recruter et motiver leurs troupes et, surtout, inventent leurs propres règles.
En plongeant dans les arcanes de ces groupes, une anomalie saute aux yeux. Derrière les sites internets clinquants, des entités comme Pro Network Vision (PNV) ou Kuvera n’ont pas d’existence juridique en France. C’est le grand vide : aucun numéro Siret identifiant l’entreprise, pas même une adresse bidon. Certains groupes, comme Be Factor, dont l’ancien nom, Melius, avait été entaché par les vidéos délirantes de Jean-Pierre Fanguin (lire l’épisode 1, « L’arnaque, elle est vite répandue »), ne prennent même pas la peine de développer un site vitrine. Des dizaines de milliers de jeunes travaillent pour des « sociétés » qui n’ont aucune existence légale sur le territoire. Et quand on en trouve, les résultats financiers ne sont pas à la hauteur de l’affichage de ces groupes. Du côté de Kuvera, il a bien existé une Sasu (société par action simplifiée unipersonnelle) basée à Lyon, mais elle a été radiée en juillet 2021. À sa tête se trouvait notamment Ryan Smith, le fondateur américain de Kuvera. Et la petite Sasu déclarait 33 000 euros de chiffre d’affaires en 2019, bien moins que le prix des bolides dans lesquels s’affichent les leaders français du groupe… De son côté, depuis avril 2021, IM Academy a bien une existence légale sur le territoire français, puisque l’on trouve une SAS au capital social de 200 euros, dont l’activité est la programmation informatique