Magali a passé une partie de l’automne à trier en deux piles de vieux plans de la SNCF, vestiges du rail à l’ère pré-informatique. « Une partie a déjà été numérisée, explique cette cheminote installée en Auvergne-Rhône-Alpes. S’ils sont dans l’ordinateur, je les jette. Sinon, je les mets de côté. » Une besogne « répétitive », « pas valorisante », pour cette agente pourtant formée à la « filière 27 », celle des métiers décisifs de la sécurité : l’aiguillage, l’assemblage des trains ou encore les autorisations de départ, une fonction récemment sacrifiée (lire l’épisode 2, « La SNCF laisse ses agents d’escale à quai »). Au moment de notre interview, Magali prend sa pause devant un bureau de la maintenance où la SNCF lui a accordé un espace. « Vous serez la seule personne à qui je vais parler de la journée, nous glisse-t-elle. Mes collègues ne m’adressent pas la parole. Certains pensent que je suis envoyée par un prestataire. Ils ne disent même pas bonjour. »
À 500 kilomètres de là, en région parisienne, Nina, entrée à la SNCF il y a onze ans comme agente commerciale, « vérifie des cartes Vitale et des cartes d’identité à longueur de journée » dans un service administratif. « Ça n’a rien de formateur, soupire-t-elle. Ça fait trois mois que je pars travailler la boule au ventre. » Voilà deux ans que cette trentenaire change « de lieu, de métier, de collègues, tous les trois à cinq mois ».