Nous sommes bientôt en février 2019 et notre civilisation tient, bon an mal an, toujours debout. Les prédictions d’Yves Cochet (lire l’épisode 1) menaceraient-elles… de s’effondrer ? Pas si vite. Nos « mauvaises nouvelles planétaires » quotidiennes dessinent tout de même un panorama peu réjouissant, entre bestioles qui disparaissent (lire l’épisode 9), fuite en avant pétrolière et inconséquence politique (lire l’épisode 14). Et encore, on vous a épargné les chauve-souris décimées, les glaciers qui reculent en Asie et dans le monde, les poissons d’eau douce retrouvés morts, les records d’éclairs et même le destin de George l’escargot. Pas d’erreur, c’est l’horreur.
Face à ce spectacle, les hommes politiques ne devraient-ils pas adapter leurs réponses en conséquence ? C’est ce que défend Corinne Morel Darleux, conseillère régionale Parti de Gauche en Auvergne-Rhône-Alpes. Celle qui a porté le positionnement « écosocialiste » du Parti de Gauche dès sa fondation en 2008 – et été secrétaire nationale chargée de l’écologie – a finalement quitté La France insoumise en novembre dernier. Aujourd’hui, elle s’intéresse à des mouvements écologiques plus radicaux et participe à de nombreux événements publics autour de l’effondrement. Son objectif : réinjecter du politique, de l’action collective, dans des auditoires parfois d’abord mus par des ressentis individuels. Pour cela, elle dispose d’un vecteur puissant : la fiction, qu’elle soit littéraire ou cinématographique.
Comment, en tant que femme politique, êtes-vous arrivée à la notion d’effondrement ?
Depuis dix ans, je suis les négociations climat, les rapports scientifiques sur le sujet, l’actualité liée à la biodiversité et l’action politique qui en découle – ou plutôt qui n’en découle pas. J’ai l’impression d’avoir assisté à la dégradation de la situation d’un point de vue géophysique et à une succession de gouvernements (Sarkozy, Hollande, Macron) qui ne prennent aucune des mesures qui devraient s’imposer. Du coup, il y a un an et demi, j’ai commencé à discuter avec des philosophes, des historiens, des anthropologues, des scientifiques, qui dessinaient les contours de quelque chose de transdisciplinaire autour de l’effondrement. J’ai rencontré Christophe Bonneuil qui s’occupe de la collection Anthropocène au Seuil et pas mal de ses auteurs, notamment Pablo Servigne.
Il faut mettre en place des stratégies pour préserver ce qui doit l’être dans la civilisation telle qu’on la connaît… mais il faut aussi se préparer à ce que ça ne suffise pas. Et donc imaginer des stratégies d’adaptation beaucoup plus radicales.
Ça a été un bouleversement ?
Non, cette notion d’effondrement n’a pas révolutionné grand-chose dans ma manière d’aborder les choses.