Scène de crime : Ebola

La Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo (Monuc) a été créée en 1999 pour faire respecter l’accord de cessez-le-feu de Lusaka lors de la Deuxième Guerre du Congo (1998-2002). Depuis, les Casques bleus ne sont jamais repartis. En 2010, elle est rebaptisée « Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo » (Monusco). Vingt ans après sa création, son bilan est mitigé. Les Casques bleus peinent à répondre aux nombreux conflits locaux qui continuent de déplacer des millions de personnes chaque année. Ses troupes sont souvent accusées d’inaction face aux violences subies par la population, en particulier dans la région de Beni, où les communautés locales endurent des massacres à répétition depuis 2014.

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Né à Bafia, au Cameroun, en 1977, Richard Mouzoko a étudié la médecine à l’université de Yaoundé avant d’obtenir un doctorat à l’université d’Anvers, en Belgique. L’épidémiologiste travaillait depuis cinq ans comme consultant pour l’OMS (Organisation mondiale de la santé), notamment lors d’une campagne de vaccination contre la polio au Cameroun, lorsqu’il a été envoyé à Butembo en RDC, dans la province du Nord-Kivu, en février 2019. Il était chargé de superviser les équipes de réponse contre l’épidémie d’Ebola dans l’un des secteurs de santé de la ville. Il est assassiné le 19 avril 2019, lors d’une réunion de travail à la clinique universitaire du Graben (« l’hôpital Horizon »). À 42 ans, il laisse derrière lui une femme et quatre enfants.

Retrouvez tous les épisodes avec Richard Valery Mouzoko.

Joseph Kabila est président de la République démocratique du Congo de 2001 à 2019. Il succède à son père, Laurent-Désiré Kabila, chef de l’Alliance des forces démocratiques pour libération du Congo (AFDL) qui déposa le dictateur Mobutu Sese Seko en 1997, au terme de la Première Guerre du Congo, avant d’être assassiné en 2001. Joseph Kabila est alors nommé président par le Parlement, à l’âge de 29 ans. Longtemps décrit comme un jeune homme ballot, entouré de conseillers régissant le pays, il s’impose peu à peu comme une force redoutable, contrôlant la RDC d’une main de fer, notamment à travers l’Agence nationale de renseignement (ANR). Il est élu en 2006, puis en 2011 après des élections controversées. Son deuxième et dernier mandat devait prendre fin en décembre 2016 mais les élections sont alors reportées plusieurs fois par le gouvernement, plongeant la RDC dans une grave crise politique. Le scrutin se tiendra finalement en décembre 2018, sans Joseph Kabila, conformément à la Constitution. Son dauphin, Emmanuel Ramazani Shadary, est battu par Félix Tshisekedi, l’un des deux candidats de l’opposition, mais celui-ci est soupçonné d’avoir passé un accord avec Kabila. Aujourd’hui sénateur à vie, Joseph Kabila est aussi le leader du Front commun pour le Congo (FCC), le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale. Il exerce encore ainsi un pourvoi considérable sur la vie politique du pays.

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Cette dénomination (à prononcer « maille-maille ») est un terme générique attribué à l’ensemble des groupes armés émanant des communautés locales. Le mot est dérivé de « maji » (« eau » en swahili), en référence à un rituel animiste censé apporter aux combattants une protection magique contre les armes grâce à de l’eau bénite par un féticheur. Les groupes maï-maï forment une constellation hétérogène, au sein de laquelle certains groupes sont alliés. Mais la plupart demeurent des entités distinctes et souvent ennemies. Les rôles souvent ambigus joués par l’État et l’armée nationale poussent de nombreuses communautés à se ranger derrière certains groupes pour protéger leurs intérêts face à des menaces réelles ou supposées.

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Les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF) sont un groupe armé islamique originaire d’Ouganda, fondé par d’anciens officiers du régime d’Idi Amin Dada, venus s’installer en RDC au début des années 1990 pour se constituer une base arrière. Ayant réussi à tisser des liens et des alliances avec les communautés locales, les ADF sont devenues au fil des années une pierre angulaire des divers trafics de la région. Mais récemment, le groupe armé s’est radicalisé, instituant une pratique de l’islam stricte dans ses rangs. Les intentions du groupe demeurent assez mystérieuses et la plupart des experts s’accordent sur le fait que la survie de ses membres constitue aujourd’hui son but principal. Les ADF sont à l’origine de nombreux massacres commis sur la population en représailles des opérations militaires menées par l’armée contre elles… mais elles servent aussi de bouc émissaire à des crimes commis par d’autres acteurs.

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En août 1998, tout juste formée, la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) prend la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, et déclenche ainsi la Deuxième Guerre du Congo. Le mouvement sera l’un des protagonistes du conflit, contrôlant la majeure partie de l’Est avec le soutien du Rwanda et de l’Ouganda. Mais la domination du Rwanda dans l’organisation excède certains cadres du mouvement. Par ailleurs, la population souffre de la brutalité des troupes et de taxes jugées excessives et injustes car l’argent n’est pas réinvesti pour améliorer les conditions de vie. La scission de la rébellion conduit à la création du RCD/K-ML qui a contrôlé le territoire de Beni entre 1999 et 2003. Composée majoritairement de Nande, la faction tisse des liens forts avec l’élite économique locale, notamment en accordant des exonérations fiscales et douanières qui permettent le développement d’un commerce transfrontalier. Antipas Mbusa Nyamwisi, un des leaders du RCD/K-ML, demeure très populaire. Il fera partie du gouvernement de transition lors des accords de paix de Sun City en 2002, et s’alliera un temps avec le président Joseph Kabila, avant de devenir une importante figure de l’opposition.

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L’OMS est une agence spécialisée des Nations unies créée en 1948 dans le but de répondre aux enjeux mondiaux concernant la santé. Son rôle consiste principalement à apporter une expertise et à coordonner les efforts des différents pays en matière de santé, mais l’organisation assume un rôle opérationnel croissant face à Ebola en Afrique. Son manque de réactivité face à l’épidémie de 2014 à 2016 en Afrique de l’Ouest et sa gestion de la réponse internationale ont alors été fortement critiqués. Depuis 2017, l’agence est dirigée par l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus.

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Identifié pour la première fois en 1976, Ebola est une maladie virale infectieuse appartenant à la famille des filovirus. Son réservoir naturel n’est pas connu avec certitude, mais les preuves scientifiques pointent vers les chauves-souris frugivores. Une fois le virus transmis à l’homme, par exemple par la consommation de viande de brousse infectée, il est transmis d’humain à humain par contact direct, lorsque les muqueuses entrent en contact avec des fluides corporels (sueur, salive, sperme…). Les premiers symptômes apparaissent deux à vingt-et-un jours après l’infection et sont similaires à ceux d’autres infections virales : fièvre, faiblesse et douleurs articulaires. Ils sont suivis de vomissements, de diarrhée, d’une altération de la fonction des organes vitaux et, dans certains cas, de saignements internes et externes. Si le virus Ebola est hautement létal (de 22 % à 88 %, selon les épidémies), il survit à peine plus de trente secondes en dehors d’un fluide corporel. Et, de fait, les taux de transmission sont inférieurs à ceux d’autres maladies virales. Bien en deçà, par exemple, du coronavirus.

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La « Riposte » désigne l’ensemble de l’opération déployée sur le terrain pour combattre l’épidémie. Codirigée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le ministère de la Santé congolais, elle englobe aussi un certain nombre d’organisations non gouvernementales internationales. L’organigramme complexe des missions et des responsabilités de chacun au sein de l’opération a contribué à tendre les relations entre les équipes soignantes et la population – qui ne dispose d’aucun recours évident pour d’éventuelles réclamations – et à assimiler les organisations humanitaires au gouvernement. Le budget, qui finira par atteindre le milliard de dollars, est largement financé par la Banque mondiale.

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Félix Tshisekedi est président de la République depuis le 25 janvier 2019. Son père, Étienne Tshisekedi, initialement proche collaborateur de Mobutu Sese Seko, forge sa légende en s’opposant au dictateur dans les années 1980, puis aux Kabila père et fils. À sa mort en février 2017, Félix hérite de son parti ainsi que du poids historique de son patronyme, mais peu nombreux sont ceux qui croient en la capacité de ce « fils de » à gouverner le pays.

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Le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Kumbu est l’avocat général militaire près de la cour opérationnelle du Nord-Kivu. Il est chargé de l’enquête sur le meurtre de Richard Mouzoko.

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Pédiatre congolais, il est le directeur de la clinique universitaire du Graben, où a été assassiné le docteur Richard Mouzoko, le 19 avril 2019.

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Le docteur Jean Mukoko Kambale est le médecin-chef de la zone de santé de Katwa, un quartier de la ville de Butembo, depuis onze ans.

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Bathé Ndjoloko Tambwe a été le coordinateur général de la « Riposte » pour le ministère de la Santé d’août à décembre 2018. Diplômé d’un master en santé publique de l’université de Kinshasa, ce médecin congolais a notamment suivi des cours d’été en surveillance des maladies tropicales et émergentes à Marseille, ainsi que d’autres formations aux États-Unis, en Malaisie, etc. Au sein du ministère de la Santé, il monte en grade au fil d’interventions contre les nombreuses épidémies qui frappent régulièrement le pays, du choléra à la rougeole, et collabore avec l’OMS sur la surveillance des résurgences de polio dans les différentes provinces. Depuis janvier 2019, Bathé Ndjoloko Tambwe est aussi député de la coalition gouvernementale pour la province du Maniema.

Retrouvez tous les épisodes avec Bathé Ndjoloko Tambwe.

La communauté Nande (à prononcer « Nandé ») est l’un des plus importants groupes ethniques de l’est de la République démocratique du Congo. Elle est établie dans les territoires de Beni et de Lubero, dans la province du Nord-Kivu, ainsi que le long de la frontière en Ouganda, où ils sont appelés « Konjo ». Dans leur langue, Nande et Konjo se nomment « Yira ». Les Nande sont un groupe particulièrement soudé et organisé, aussi bien du point de vue économique que social. La proximité géographique avec l’Ouganda leur a permis de s’isoler des événements affectant le pays (colonisation, guerres…), tout en gardant une ouverture internationale. Ils ont développé une organisation sociale qui leur est propre, dans laquelle hommes d’affaires et commerçants fournissent souvent les services publics que l’État n’assure pas, tel que la santé et l’éducation.

Retrouvez tous les épisodes avec Nande.

Diplômé de médecine au Luxembourg, le docteur Mundama est nommé médecin-chef de la zone de santé de Butembo à la fin de la guerre. Il a ensuite été nommé médecin-chef du district sanitaire de Butembo, puis chargé des questions épidémiologiques à la division provinciale de la santé. Très respecté dans la région, Mundama a participé et organisé de nombreuses campagnes de vaccination, souvent soutenues par l’OMS et la Fondation Bill et Melinda Gates. Il est largement crédité pour son rôle dans l’amélioration de la prise en charge des soins de santé primaires dans la ville. Lors de l’épidémie d’Ebola, Mundama est le chef de la commission Prévention et contrôle des infections (PCI) de Butembo.

Retrouvez tous les épisodes avec Jean-Paul Witende Mundama.

Le directeur du centre médico-chirurgical de Kiharo, dans le quartier de Katwa, était un infirmier pratiquant la chirurgie obstétrique sans diplôme. Karasaba est mort le 9 avril 2019, après avoir contracté le virus Ebola. Il est accusé d’avoir participé aux événements ayant mené au meurtre du docteur Richard Mouzoko.

Retrouvez tous les épisodes avec Ezechiel Mumbere Karasaba.

Membre de la Kyaghanda Yira, une association culturelle Nande, Loyi est accusé – avec Jean Kambale Mokusa – d’avoir servi d’intermédiaire entre les médecins et les miliciens ayant exécuté le meurtre du docteur Richard Mouzoko. Il est le beau-frère de Paluku Kensekele, alias « Pablo boîteux », accusé d’avoir organisé le meurtre.

Retrouvez tous les épisodes avec Samuel Kambasu Loyi.

Décrit comme le président de la jeunesse de la Kyaghanda Yira, une association culturelle Nande, Mokusa est accusé – avec Samuel Kambasu Loyi – d’avoir servi d’intermédiaire entre les médecins et les miliciens ayant exécuté le meurtre du docteur Richard Mouzoko.

Retrouvez tous les épisodes avec Jean Kambale Mokusa.

« Pablo boîteux » est accusé d’avoir organisé le meurtre du docteur Richard Mouzoko. Il est décrit par l’avocat général comme un chef Maï-Maï appartenant au FPP, un groupe armé Maï-Maï, mais son appartenance n’a pu être vérifiée.

Retrouvez tous les épisodes avec Paluku Kensekele, dit « Pablo boîteux ».

Cet employé de la mairie de Butembo est accusé d’avoir participé à l’organisation et à l’exécution du meurtre du docteur Richard Mouzoko. La mairie nie avoir eu un quelconque lien avec l’affaire.

Retrouvez tous les épisodes avec Kakule Kisengesenge.