Tous les quatre ans au cœur de l’été, les États-Unis sont saisis d’une fièvre assez peu compréhensible pour un Français ou un Européen. Le pays, aiguillonné par le microcosme politique de Washington – qu’on appelle le « Beltway » du nom du périphérique entourant la capitale – passe des heures à vouloir deviner qui sera choisi comme colistier et candidat à la vice-présidence par les futurs présidentiables des deux grands partis. Et le démocrate Joe Biden vient de faire son choix : ce sera Kamala Harris, première femme noire appelée à cette fonction. On redécouvre à cette occasion ce particularisme constitutionnel rare des États-Unis de doubler, depuis 1789, le chef de l’exécutif par un vice-président dont la fonction première, précisée par l’article 2, section 1, clause 6 de la Constitution, est de pourvoir au remplacement du Président, en cas de décès, d’incapacité ou empêchement divers. Le vice-président était donc cantonné dès l’origine à la virtualité politique, ne pouvant accéder au pouvoir qu’en cas de malheur. Et la Constitution ne lui affectait comme autre rôle institutionnel qu’une présidence honorifique du Sénat durant laquelle il ne vote qu’en cas d’égalité parfaite entre sénateurs afin de les départager.
Mais l’histoire violente des États-Unis (quatre présidents assassinés en 230 ans) ainsi que ses aléas plus ordinaires (quatre autres décédés de mort naturelle) ont vite donné une importance nouvelle à la vice-présidence et amené une rapide redéfinition de son rôle. Alors que président et vice-président étaient originellement élus par un seul et même vote des grands électeurs – ce qui amena après 1796 les deux rivaux mortels John Adams et Thomas Jefferson à coexister quatre ans comme Président et vice-président –le XIIe amendement à la Constitution distingua la désignation des deux fonctions par deux votes différents, créant la notion de ticket soumis aux électeurs. En 1841, John Tyler, le premier vice-président à succéder à un président défaillant, William H. Harrison décédé un mois après son investiture, fixa la pratique de la succession en assumant la totalité des pouvoirs présidentiels et non un simple intérim.
Au XXe siècle, avec l’émergence d’États-Unis en superpuissance, il devint impératif de définir un ordre de succession présidentiel en 1947 (le « Presidential Succession Act ») au-delà du vice-président, si malheur survenait aux deux élus du ticket. Puis en 1967, après l’assassinat de JFK, un nouvel amendement constitutionnel