Quatre ans que le monde et les États-Unis ressassent le choc du 8 novembre 2016. Quand un homme sans aucune expérience politique – mêmelocale – ni passé militaire, Donald Trump, s’est emparé de la présidence à la stupeur générale. Et ce, contre la femme politique la plus connue et expérimentée de l’histoire des États-Unis, Hillary Clinton. Stupeur provoquée par un double mouvement : d’une part, le décalage jamais vu entre le vote populaire national – en faveur de la candidate démocrate, de plus de 2,9 millions de voix – et le résultat du collège électoral, avec le système des grands électeurs, donnant une victoire confortable à Donald Trump. Cette minorité considérable dans le suffrage populaire s’expliquait en grande partie par la quasi-disparition du parti républicain dans deux des quatre plus grands États de l’Union : la Californie et New York. Mais dans un bouleversement assez rare, Donald Trump renversait la carte électorale de Barack Obama : par rapport à 2012, pas moins de six États (Floride, Ohio, Iowa, Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) basculaient dans le camp républicain.
D’autre part, la victoire de Donald Trump a pris à rebours tous les sondages d’opinion : sinon à l’échelle nationale – puisque le républicain a de fait perdu dans une proportion comparable à celle anticipée –, mais dans les trois États industriels des Grands Lacs (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin), où presque aucun sondeur n’avait vu venir une dynamique commune et tardive en faveur du futur vainqueur. Dans le Wisconsin, dans une statistique effarante a posteriori, pas une enquête en dix-huit mois n’avait donné Donald Trump gagnant, dans un État qui avait toujours voté pour le présidentiable démocrate depuis 1992. L’écart final de 0,7 point en faveur de Donald Trump tranchait avec les 6,5 points d’avance accordés à Hillary Clinton dans les sondages.
Une machine à voter au Marymount Manhattan College de New York, le 1er novembre 2020
— Photo Dan Herrick/Zuma press/Réa.
Une fois passé le choc, les causes de la victoire électorale de Donald Trump, quoique multiples, se sont dessinées avec clarté. Il a d’abord bénéficié d’une mobilisation exceptionnelle de deux électorats « socles » des conservateurs républicains : les Blancs non diplômés d’université et les Blancs évangéliques. Ces deux catégories connaissent un déclin net dans la population états-unienne depuis trente à quarante ans. Les Blancs non diplômés représentaient 71 % de la population en 1975 ; ils ne sont plus que 40 % en 2018. Les Blancs évangéliques comptaient pour 26,6 % de la population en 1997 ; ils ne sont plus que 16 % en 2019.