
Derya Yıldırım & Graham Mushnik, Hey Dostum Çak ! (Buback Tonträger, 2023)
La chanteuse allemande Derya Yıldırım prend la tangente, tant mieux pour nous et nos enfants. Car la Hambourgeoise, que l’on connaît avant tout comme compositrice et chanteuse magnifique en compagnie de son Grup Şimşek, revient en ce début d’année avec Hey Dostum Çak !, un disque de comptines et chansons de feu de camp où elle explore son enfance turque en même temps qu’elle insuffle une paisible modernité au genre très codifié de la musique pour enfants.
On a déjà parlé de ce genre diffus ici et là dans cette série Face A, face B, en évoquant les bricolages hippies de Steve Waring (lire l’épisode 40, « Steve Waring et Matmos, musique domestique ») ou les berceuses faussement paisibles de Colette Magny et Anne Sylvestre (lire l’épisode 72, « Anne Sylvestre, Colette Magny et les berceuses à percussion »). La musique pour les enfants n’a pas vraiment de forme figée, elle n’est musique pour enfants que si l’on décide qu’elle l’est et à part la recherche d’accroches mélodiques fortes et de constructions faciles à reprendre en chœur, il y a peu de choses qui rassemblent les disques qui se revendiquent du genre. C’est ce que l’on retrouve dans la sélection de chansons rassemblées par Derya Yıldırım, qui s’est lancée dans ce projet par défaut en 2020, alors qu’elle se trouvait confinée dans la maison de sa grand-mère dans la campagne anatolienne, entourée par la nature et les enfants du village qui s’ennuyaient sévère comme le monde entier. La chanteuse allemande avait pour une fois le temps, alors qu’elle tourne sans cesse depuis quelques années avec son Grup Şimşek fondé en 2014 un peu par hasard, à l’invitation d’un festival de sa ville de Hambourg qui a initié la rencontre entre trois Français de l’Orchestre du Montplaisant (Antonin Voyant, Graham Mushnik, Andrea Piro) et Derya Yıldırım. Cette dernière était déjà une star chez elle, dans le quartier turc de sa ville, en tant que chanteuse poignante autant que comme virtuose du bağlama, la trois-cordes des musiques traditionnelles de toute la Méditerranée orientale.

Depuis, Derya Yıldırım & Grup Şimşek, rejoints par la protéiforme batteuse britannique (mais installée au Danemark) Greta Eacott, fabriquent une musique qui se fait de plus en plus intrigante.