À Saint-Avold (Moselle)
Elle est dans les starting-blocks. Élodie Sarrut, 23 ans, ne peut s’empêcher de jeter fébrilement un œil sur son smartphone et l’état de son compte en banque. C’est aujourd’hui que doivent être virés les 3 000 euros du microcrédit contracté auprès de la Banque postale, à 6 % de taux d’intérêt sur vingt-quatre mois. Avec ses 1 500 euros d’économies personnelles, une petite fortune accumulée de haute lutte, la somme sera immédiatement investie dans la Ford Fiesta 5 qu’un ami de sa mère lui vend à Saint-Avold, en Moselle. Elle a mis six mois à dénicher cette occasion à bon prix, plusieurs semaines à monter le dossier de financement grâce à sa conseillère de Wimoov, une association nationale spécialisée dans l’accompagnement à la mobilité des publics précaires. Si tout se passe comme prévu, la jeune femme aux longs cheveux châtains ne sera enfin plus obligée de marcher seule dans la nuit noire, pendant parfois plus d’une heure, pour aller travailler. Ce qu’elle accomplit, comme un soldat monte au front, depuis ses 17 ans.
C’est sa ténacité qui va peut-être lui permettre de s’extraire du sort des douze millions de Français qui rencontrent des difficultés quotidiennes pour se déplacer et plus encore lorsqu’ils sont pauvres. Cette inéquité a été mesurée en 2020 par le premier « baromètre des mobilités du quotidien », une enquête nationale sur plus de 4 000 personnes, initiée conjointement par Wimoov et la fondation Nicolas Hulot. Résultat, pour un Français sur deux, le coût des transports est le premier frein à la mobilité. Ils sont 55 % à estimer ne pas avoir le choix de leur moyen de déplacement. Et parmi ceux-ci, 84 % utilisent principalement leur voiture. Les difficultés à se déplacer conduisent par ailleurs à renoncer à un emploi pour 43 % des publics défavorisés contre 17 % chez les plus aisés. Pour ces mêmes raisons, chez les plus modestes, une personne sur quatre tire quasiment un trait sur toute vie sociale et déclare ne sortir qu’une ou deux fois par semaine de chez elle. « Ces inégalités conduisent à ce que des gens se sentent assignés à résidence et ne bougent littéralement plus ! », commente Marie Chéron, responsable mobilité à la fondation Nicolas Hulot.

Alors que le transport représente le premier poste d’émissions de CO2 en France (30 % du total) et que la voiture individuelle compte pour la moitié de cette empreinte, les injonctions à abandonner le volant pour un guidon de vélo ou une place de bus se multiplient.