De Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais)
C’est une boîte carrée qui contient cinq livres reliés à la tranche couleur charbon. « Ça pèse 8 kilos et c’est la fierté de ma vie ! », sourit Jean-François Caron, le maire Europe Écologie-Les Verts (EELV) de Loos-en-Gohelle, commune de 6 800 habitants, dans le Pas-de-Calais. Les cinq tomes plantés en haut d’une armoire de rangement dans un bureau qui donne sur la place principale, avec vue imprenable sur les deux terrils les plus hauts d’Europe, constituent la candidature à l’inscription du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial. Le maire écolo l’a portée à bout de bras jusqu’au classement en 2012 par l’Unesco. Il en est convaincu depuis toujours : pas d’avenir si l’on renie son identité, pas de transition sans assumer son passé. Ce naturaliste par passion sait bien qu’on n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. Dans cette région pauvre, où le Rassemblement national grignote territoires et voix aux bastions socialistes et communistes, pas d’écologie sans fierté ouvrière.
Aux dernières municipales, Hénin-Beaumont, à 10 kilomètres à l’est, est restée sous la coupe du RN Steeve Briois, et Bruay-la-Buissière, à 25 kilomètres à l’ouest, est devenue la seconde ville RN du Pas-de-Calais. Jean-François Caron, lui, a été réélu pour la quatrième fois, avec 100 % des voix, sans liste concurrente. L’édile garde en mémoire les précédentes éditions où les ex-frontistes avaient fait quelques tentatives. « Le Pen me déteste. Il y a une dizaine d’années, ses militants tractaient des caricatures de moi, grimé en Louis XIV avec des ongles crochus, se rappelle-t-il. En 2014, ils avaient même loué des garages en ville pour constituer une liste. Ils n’ont jamais réussi à rassembler 29 noms. » C’est donc reparti pour un tour, après deux décennies à transformer Loos-en-Gohelle en laboratoire de la transition écologique, reconnu comme « démonstrateur national de la conduite du changement vers la ville durable » par l’Agence de la transition écologique (Ademe), bras technique du ministère de la Transition écologique, et visité par des élus hexagonaux de tous bords.
En 2015, pour la COP21, la ville minière a bien failli devenir une star internationale pour de bon. Une délégation des chefs d’État de la planète, emmenée par le président français François Hollande, avait prévu de faire le déplacement, annulé en raison du contexte sécuritaire qui a suivi les attentats de novembre. « Même Obama devait être là ! Les boules… », lâche Jean-François Caron.