«Mon film parle d’une usine qui part en Pologne et qui laisse derrière un paquet de misère et de détresse. » Ce 24 février 2017, salle Pleyel à Paris, François Ruffin ne perd pas une seconde du temps que lui accorde sur scène la cérémonie des César. Au milieu du satin et du velours, il fait entrer son monde : le coût humain des délocalisations, Continental et Whirlpool, sa Somme martyre. « Pourquoi ça dure comme ça depuis trente ans ?, lance-t-il d’une voix éraillée par la colère. Parce que ce sont des ouvriers qui sont touchés et donc on n’en a rien à foutre. »
Un an plus tôt sortait Merci Patron !, son premier documentaire récompensé par plus de 500 000 entrées et désormais un César. Destin inattendu pour un film politico-burlesque sur fond de tragédie : un couple criblé de dettes après la fermeture d’un sous-traitant de LVMH piège le PDG Bernard Arnault, avec l’aide d’un Ruffin relooké en fan du milliardaire. Comme pour tout ce qu’il fait (lire l’épisode 1, « François Ruffin, la plume dans la plèbe »), le journaliste s’engage corps et âme dans sa réalisation, mais le succès n’est pas immédiat. « On avait l’impression de tenir un truc de fou, mais le film a d’abord suscité de l’indifférence, reconstitue son ancienne collaboratrice Johanna Silva, qui en a structuré le récit, géré l’administratif et l’organisation des tournages. Même chez les “Fakiriens” [les lecteurs de