Pour la première fois depuis début décembre que Les Jours le suivent (lire l’épisode 3, « “On est les sans-chaussettes, mais on est là, debout” »), on a vu Jacky sans son gilet jaune. Le retraité l’a pourtant peu quitté depuis le 17 novembre, lors de l’occupation du rond-point de Voreppe, en Isère, pendant les manifs du samedi ou pour aller à la rencontre des maires des environs, en quête d’un lieu où tenir des assemblées générales. Sa tenue de combat, il l’a même personnalisée, la barrant dans le dos d’un « Macron, casse-toi, tu pues le pognon ». Mais ce vendredi 25 janvier, Jacky a mis l’étendard en berne. Quand on s’en étonne, il montre une poche de sa parka noire, d’où dépasse un bout du tissu fluo. Simple mesure de précaution. « On a peur de ne pas pouvoir rentrer avec », explique-t-il. Il est 19 heures, du monde attend devant la salle des fêtes des Abrets en Dauphiné, une commune du nord du département. En guise de comité d’accueil, trois véhicules de la gendarmerie.
C’est ce soir que se tient la deuxième réunion de Marjolaine Meynier-Millefert, la députée La République en marche (LREM) de la 10e circonscription du département, consacrée au grand débat national voulu par Emmanuel Macron. La salle municipale peut accueillir 100 personnes, une vingtaine de chaises ont été ajoutées. En introduction, l’élue trouve « chouette » qu’il y ait autant de gens. Elle va le découvrir, les rangs sont en majorité garnis de gilets jaunes. C’est Élodie, autre pilier du rond-point de Voreppe, qui a convaincu Jacky et une poignée de camarades de venir « voir », ce soir (lire l’épisode 19, « Monsieur le Président, Jacky vous fait une lettre »). Des insurgés d’autres « QG » de la campagne environnante ont eu la même idée. Gilet visible ou non, tous ont pris place sans encombre.
Sur son site internet, la députée, 36 ans, commence sa présentation en disant qu’elle est « mariée à un chef d’entreprise, maman de deux enfants ». Enseignante d’anglais, Marjolaine Meynier-Millefert a quitté l’Éducation nationale pour monter sa boîte de conseil en communication et stratégie auprès des petites entreprises, avant de se lancer en politique en 2015 sous l’étiquette « société civile non-encartée ». Membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, elle planchait déjà sur les questions de fiscalité écologique avant que les ronds-points du pays ne deviennent les porte-voix de l’injustice sociale.