Maryline parle de « détresse » que personne n’entend. « Il faut dire que je donne bien le change », observe la traductrice de Marseille, épuisée par ses nuits… à dormir. « Je me lève avant 7 heures pour faire du yoga, j’ai mille activités, je sors beaucoup, je suis très sociable. Personne ne se doute de cette souffrance. Personne ne me croit. » Marie-Antoinette, la retraitée épuisée, pâtit aussi d’être inaudible. « Je n’ai jamais réussi à intéresser un médecin à mes problèmes de sommeil. J’ai été voir un acupuncteur, mais sa manière de faire ne m’a pas plu. Il m’a même répondu : “C’est pas Lourdes ici.’’ J’ai fait une thérapie. Mais comprendre certaines choses ne m’a pas aidée. » Quentin, prof de fac qui fait des insomnies depuis vingt ans, le constate également : « On a tellement de mal à se faire écouter dans cette société quand on a des problèmes de sommeil et de fatigue… »
Ce qui s’ajoute à une autre source d’incompréhension : la tendance de l’entourage et des médecins à renvoyer à un problème psychologique, selon Quentin. Dans les examens médicaux, les questionnaires, les applications spécialisées, « il y a une mesure objective du sommeil et une mesure du ressenti, de l’épuisement », constate l’enseignant. « Ils essaient de pointer ce différentiel pour te renvoyer à la case psy. » Le Dijonnais se souvient de quelques-unes de ces questions orientées : « Comment voyez-vous l’avenir ? » « Avez-vous le moral le matin ? » Il dit : « Je sais que je suis anxieux mais je viens pour un problème urgent, brûlant, parce que je ne dors pas. Être renvoyé à un traitement de fond qui réclame beaucoup de temps et à un problème plus large
Quand ni une maladie, ni le travail de nuit, ni les écrans ne sont en cause chez une personne qui ressent de la fatigue, le sable devient mouvant. Qu’est-ce qui peut provoquer ce voile sur les yeux, cette