«On n’arrive pas à l’Ofpra par hasard. » Serge en est persuadé. « Et sûrement pas pour faire des rejets. J’ai pas croisé des gens sadiques ici. » En poste depuis plus de cinq ans à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, Serge est considéré comme un ancien « OP », un officier de protection avec de la bouteille. Alors il en a vu défiler des collègues. Pour lui, c’est sûr : les gens qui rejoignent l’institution ont plutôt un biais de protection. Ils ont côtoyé des réfugiés, ils sont touchés par cette question. Avant d’arriver à l’Ofpra, lui venait de boucler des études de relations internationales. Il enchaînait les stages dans le milieu associatif, croisait des migrants en cours de demande d’asile, quelques-uns déjà déboutés, la décision de refus à la main. Et puis, un jour, en 2013, il a eu « envie de savoir ce qui se cachait derrière la décision de l’Ofpra, d’aller mettre les mains dans le cambouis ».
Deux ans plus tard, Claire, elle, achève son mémoire de master 2 quand elle a vent d’un boulot à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), établissement public sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Elle a 25 ans, besoin d’un job alimentaire et celui-là est en lien direct avec ses études. Pour le compte de l’Ofii, Claire est notamment chargée d’évaluer la situation matérielle des nouveaux arrivants et leur vulnérabilité. Dans un petit bureau d’une préfecture, elle reçoit les migrants juste après qu’ils ont déposé pour la première fois leur demande d’asile au guichet d’à côté. Souvent un mois après leur arrivée sur le territoire.
Ce sont des gens qui n’ont pas – encore – retrouvé leurs proches, leur communauté, qui n’ont pas été du tout pris en charge par les associations. « On voit vraiment leur dénuement. Personne ne m’avait préparé à ça. » Son premier CDD dure six mois. Elle mène quinze, parfois vingt entretiens dans la journée. Rempile. Mais brise son second contrat au bout de deux mois, quand elle décroche un job à l’Ofpra qui lui paraît plus intéressant. « J’y allais vraiment en me demandant : “Est-ce que c’est aussi anarchique qu’à l’Ofii ?” Parce qu’à l’Ofii, j’avais l’impression que c’était un peu n’importe quoi, l’application des règles. »

Les agents de l’Ofpra, c’est un méli-mélo de profils : beaucoup de juristes, d’ex-étudiants en relations internationales. Et puis il y a des anomalies.