Vincent Bolloré a tué Jacques Chirac. L’ancien président de la République tombe lentement en poussière dans une boîte à Canal+ qui lui sert de cercueil. Petit à petit, sa tête « biscotte », ou « biscuite » : le latex en vieillissant s’effrite, c’est l’expression des marionnettistes. Le décès remonte à juin 2018 (lire l’épisode 96, « À tchao adieu ») et au dernier tournage de l’émission, supprimée à la veille des 30 ans des Guignols – vous savez, «les meilleurs éditorialistes de France», comme on disait du temps du Chirac Super-Menteur et de «Mangez des pommes». Indissociables de L’empire, Les Guignols. C’est la menace de leur suppression, déjà, en 2015 par Vincent Bolloré qui déclenche sa brutale prise de pouvoir à Canal+ et la lente agonie des marionnettes pendant les trois ans qui ont suivi. C’est aussi l’éclatant symbole de son règne : auteurs virés, politique bazardée des sketchs, moyens de plus en plus rognés jusqu’à l’arrêt pur et simple des Guignols et le plan social qui va avec. 44 personnes virées en 2018. 44 personnes qui ont fait gloups en apprenant que Canal+ allait diffuser une rétrospective des meilleurs moments du Chirac de latex, au lendemain de sa mort. Mais les affaires, c’est les affaires, que voulez-vous, et ce vendredi soir à 20 h 35, Vincent Bolloré exhume donc les marionnettes qu’il a lui-même enterrées pour un hommage à Jacques Chirac diffusé sur Canal+ en clair.
Illustration Sébastien Calvet/Les Jours.
Voilà qui, ô ironie, devrait permettre à la tranche de dépasser les 120 000 téléspectateurs auxquels, à force de n’importe quoi, la politique bolloréenne a désormais habitué la grille en clair de Canal+ – et encore, 120 000 les bons jours, alors qu’Antoine de Caunes a été viré du Grand Journal en 2015 au prétexte que son million de téléspectateurs quotidiens n’était pas suffisant. Un moment, aux Jours, nous nous sommes même demandé si Canal+ allait oser appeler l’équipe des Guignols virée il y a un an pour faire la rétrospective. Mais la tête de Chirac continuera à biscotter dans sa boîte : comme c’est d’usage en matière de morts prévisibles, l’émission d’une demi-heure est, elle aussi, déjà en boîte. Elle a même été réalisée du vivant des Guignols, par l’équipe elle-même, il y a deux ans. Mais non sans mal. Au fil des alertes concernant la santé de l’ancien président de la République, le Bolloboy placé à la tête des Guignols, David Gauthier, ne cesse de tanner l’équipe pour qu’une rétrospective soit enregistrée.