Il y a le las, l’amer, le carrément épuisé, le coléreux, l’au-bord du nervous breakdown, le dégoûté, le silencieux aussi qui ne s’entend pas mais s’étend d’une phrase à l’autre. Dans les multiples témoignages de la conquête de Canal+ par Vincent Bolloré que nous recueillons auprès de ses salariés depuis plus d’un an pour L’empire, il y a toutes sortes de soupirs. On pose la question « ça va ? », et voilà, avant la réponse de notre interlocuteur, l’expression de sa souffrance, son mal-être, son désarroi, il y a le soupir las, le soupir amer, etc. Ces soupirs font désormais l’objet d’une étude. Les Jours se sont en effet procuré un rapport sur les risques psychosociaux à Canal+, effectué par le cabinet Technologia, et sa conclusion est sans appel : les salariés de L’empire vont mal.
Ces dernières semaines, le document, intitulé « La prévention des risques psychosociaux au sein de l’UES Canal+ », est présenté par vagues successives aux salariés du groupe. Deux séances ont déjà eu lieu, l’une à « Lumière » – le site qui réunit les activités d’édition des chaînes Canal+ à Boulogne-Billancourt –, l’autre à « Eiffel » qui, à Issy-les-Moulineaux, rassemble le côté business. Des présentations à l’oral, avec un simple résumé projeté sur écran, sans que le rapport soit remis aux salariés, alors que plusieurs l’ont pourtant réclamé. C’est dire le caractère sensible du document. Interrogé par Les Jours, le cabinet Technologia dit « regretter » la fuite et ne souhaite pas commenter ses résultats, arguant du caractère confidentiel de sa mission. Et de fait, il aurait mieux valu que le rapport reste confidentiel tant il dresse un portrait ravageur du groupe Canal+ depuis que Vincent Bolloré en a pris le contrôle absolu, en juin 2015.
Le rapport Technologia, pourtant, trouve son origine avant l’arrivée de Bolloré. Il a été commandé par le CHSCT du groupe, dont c’est une des prérogatives, alors qu’un rapport médical de 2014 signalait « des cas d’épuisement professionnel : intensification de la charge de travail et de la charge mentale ». Mais c’est avec Bolloré que tout s’aggrave. Technologia démarre son enquête en mai 2016 par des entretiens avec différents groupes de salariés et le poursuit jusqu’en juillet suivant avec plusieurs étapes, dont un questionnaire adressé à tout l’effectif de Canal+ ; 50 % ont répondu. Et à cette époque, le tableau de chasse de Vincent Bolloré est déjà impressionnant : il a