Burhan sera jugé en avril. Officier de police turc, il est issu d’une famille nationaliste éloignée de la confrérie Gülen, que le pouvoir turc accuse d’avoir fomenté le coup d’État manqué du 15 juillet dernier. Pourtant, il se trouve en prison, car la justice le soupçonne d’appartenir à la confrérie. C’est ainsi désormais qu’en Turquie, on écarte toute voix indépendante, tout fonctionnaire intègre, attaché au service public et non à celui du président Erdogan et de son parti, l’AKP.
L’épouse de Burhan m’avait contacté voilà sept mois, avant la tentative de coup d’État. Le cas de son mari semblait symbolique de ce qui se joue en Turquie, et qui s’est accéléré avec le putsch raté. Quelque 128 400 personnes écartées de la fonction publique depuis juillet. Le dernier décret, publié mardi, vire 4 464 fonctionnaires supplémentaires, dont dont 2 585 instituteurs et 330 universitaires. Et parmi ces derniers, Ibrahim Kaboglu, constitutionnaliste que j’avais rencontré dans son bureau de l’université Marmara et qui s’opposait à la réforme constitutionnelle en cours (lire l’épisode 5, « La Turquie légalise la torture »).
La purge massive, qui a commencé deux ans plus tôt, est menée selon des critères très flous, des enquêtes expéditives… Une sorte de loi des suspects, comme sous la Révolution française, qui se substitue à la justice : un citoyen turc peut se retrouver écarté, emprisonné, parce qu’il s’oppose aux dérives du pouvoir en place, parce qu’il est soupçonné de gülénisme, d’être un militant kurde, universitaire appelant à la paix, juge indépendant, opposant de gauche… Ou parce qu’il est parent d’un suspect, ami d’un ami de suspect… Au dernier bilan, quelque 91 000 personnes ont ainsi été arrêtées en six mois.