Gaziantep, envoyé spécial
Le soleil est levé depuis peu sur Gaziantep, près de la frontière syrienne en Turquie. En lisière d’une zone industrielle, dans le parc d’une petite mosquée, une vingtaine de jeunes hommes attendent, semblent à l’affût sous les arbres. Je gare la voiture le long du trottoir, aussitôt ils se mettent à courir vers nous comme des dingues, nous encerclent et parlent tous en même temps en arabe. Si nous n’étions pas au courant, il y aurait de quoi se sentir menacé. Mais ils ne cherchent que du travail. Ils sont ici tous les matins, de l’aube jusqu’à 9 ou 10 heures, attendant les employeurs qui viennent chercher des travailleurs syriens pour la journée. C’est l’un des trois ou quatre « marchés du travail » informels de la ville.
Ce matin, le plus jeune, Abdullah, a 15 ans. Les autres, de 18 à 25 ans. Ils viennent pour la plupart de la région d’Alep, de l’autre côté de la frontière, à deux heures de route de Gaziantep avant-guerre (quatre fois plus désormais pour éviter les snipers). Certains sont « réfugiés temporaires », statut accordé par la Turquie aux Syriens, d’autres encore clandestins, parce qu’ils ne savent pas qu’ils ont le droit de s’enregistrer, ou parce qu’ils sont partis de Syrie sans papiers. La plupart n’avaient pas de connexion familiale en arrivant ici, c’est pourquoi ils n’ont pu trouver de travail fixe. Du coup, ils se louent à la journée à des employeurs turcs venus faire leur marché pas cher.