Maryse est la première à se plier à l’exercice. Elle a 48 ans et c’est Pôle emploi qui l’envoie. Derrière une large table ronde, le dos droit et les mains jointes, elle déroule quelques bribes de vie. Maman était diabétique. À la fin, elle ne pouvait plus marcher. Je l’ai accompagnée pendant six ans. Ça a toujours été mon plaisir d’aider les autres.
Face à elle, Nathalie Bouet et Danielle Senée prennent des notes. La première, très énergique, dirige le centre de formation professionnelle FAP, installé dans l’ancien hôpital de Montargis, un monument classé en plein centre-ville. La seconde, l’air strict mais bienveillant, chapeaute le diplôme d’« assistant de vie aux familles », autrement dit d’aide à domicile, le plus souvent auprès des personnes âgées. Une nouvelle session débute à la rentrée. La sélection des candidats, au chômage pour la plupart, s’effectue ce matin-là par un oral de motivation et un test écrit, de maths et de français.
Les motivations très personnelles de Maryse n’étonnent pas les examinatrices. Vingt minutes plus tard, une autre femme – du prénom de Maryse elle aussi – livre à voix feutrée un récit similaire. Je me suis occupée de mon père les derniers mois. J’ai un frère handicapé, aussi. Il y a beaucoup de choses qui m’amènent à vouloir m’occuper des gens.
Quant à Karine, la boute-en-train du groupe à l’épaisse crinière grise, elle a quitté un CDI dans la vente pour accompagner sa belle-mère jusqu’à son dernier voyage
. « C’était éprouvant mais naturel, dit-elle. La mettre en maison de retraite aurait été comme l’emmener à la fourrière. »

Ils sont 30 à attendre dans un couloir lumineux leur convocation par les jurées. Tous espèrent être retenus pour intégrer le cursus d’un semestre qui débouchera sur l’équivalent d’un CAP/BEP. Ou plutôt, elles sont 29 et un homme représente à lui seul le sexe masculin. 98 % des aides à domicile sont des femmes. La profession a trait au foyer, au soin, au corps et à la maladie. Or, l’intime est encore une affaire de femmes. Celles qui ont passé des années à soutenir des proches, sacrifiant parfois leur ancienne vie professionnelle, jugent naturel d’en faire leur nouveau métier. Mais comme dans beaucoup de carrières très féminisées, les salaires sont maigres, les horaires contraignants et les temps partiels, incontournables.
Danielle Senée l’a d’ailleurs rappelé lors de la réunion d’information qui a précédé les épreuves.