De Grenoble
Il est 8 heures ce lundi et pour cette rentrée, Solène Milaret est étrangement seule dans sa classe… virtuelle, puisque les lycéens (et les collégiens) ne devraient faire leur retour au bahut in real life qu’à partir du 3 mai. Les classes de maternelle et de primaire ont, elles, retrouvé l’école dès ce 26 avril. « Pourquoi je n’ai aucun élève ? », se demande, depuis son salon, l’enseignante de philosophie du lycée Emmanuel-Mounier de Grenoble, où Les Jours repassent leur bac. Son écran reste muet mais face aux leurs, les élèves de la terminale G4 s’empressent de lui envoyer des messages. « Ah, le lien ne marche pas, j’en renvoie un avec salle d’attente. » Une lycéenne appelle Solène Milaret sur son portable : « Oui, vous demandez aux autres d’être un peu patients, je vais essayer de régler le souci. »
Le tour est joué à 8 h 11 : « Bonjour tout le monde, est-ce que quelqu’un m’entend ?, lance la prof. Yvan, je vois que vous essayez de prendre la parole mais je ne sais pas comment vous la donner… Attendez… À partir de maintenant, vous devez pouvoir partager l’audio, la vidéo et intervenir sur le tchat, est-ce le cas ? Pas de souci, Ichrak, si vous n’avez pas de micro. » En un an de Covid, l’institution du télétravail a vulgarisé cette espèce de langage technico-ésotérique aux mimiques surjouées de la visioconférence. Et ce nouveau rituel de communication est devenu par la force des choses un mode d’enseignement de fortune.
« Excusez-moi pour le petit contretemps, mais je pense qu’on n’est pas les seuls à se connecter ce matin », poursuit Solène Milaret, après avoir demandé à ses élèves s’ils vont bien et récolté une guirlande de pouces levés.