Les images seront identiques mais les mines plus sombres. Ces jeudi 12 et vendredi 13 octobre, Emmanuel Macron recevra les secrétaires généraux des syndicats à l’Élysée. Ils monteront le perron, un par un, poseront rapidement pour la photo et s’engouffreront dans le « Château » pour une entrevue avec le chef de l’État, afin d’évoquer les réformes sociales à venir. Comme le 23 mai dernier où, fraîchement élu, le président de la République avait organisé ces mêmes rencontres bilatérales, en présence de son conseiller social, Pierre-André Imbert, signifiant son désir d’aller vite sur la réforme du Code du travail. En trois mois, les ordonnances ont été bouclées, en parallèle de discussions avec les syndicats dont l’exécutif était censé tenir compte. Nous avons raconté dans cette série (lire les épisodes 5, 8 et 12) que ces consultations avaient laissé les syndicats au mieux dubitatifs – c’est le cas pour la CFDT et la CFTC –, sinon persuadés qu’elles ne pourraient déboucher sur aucune avancée pour les salariés.

Au final, l’exécutif a réussi à faire passer les mesures qu’il souhaitait, avec l’habile concours de ses conseillers. Même si le gouvernement n’a cessé de répéter que le contenu des ordonnances n’avait pas été décidé avant le lancement des consultations. Il est aujourd’hui possible d’en douter. Menées par Antoine Foucher, le directeur de cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud et grand ordonnateur des négociations, ces discussions ne se sont appuyées sur aucun texte. Rien n’a jamais été couché par écrit, jusqu’au 31 août, jour du dévoilement des ordonnances – rédigées dans le plus grand secret afin d’éviter les fuites.
Le jour de la publication des ordonnances, le 31 août, j’ai dit que la méthode avait été loyale. En fait, il y a eu de la filouterie car on ne nous a pas tout dit.
Dès le 31 août, les syndicats ont constaté que nombre de mesures donnaient en revanche satisfaction à des demandes patronales. Puis leurs équipes se sont plongées dans une lecture approfondie des 150 pages qui composent les cinq ordonnances, ligne par ligne, pour en mesurer les conséquences pour les salariés. Au fil de leur étude attentive, ils découvrent alors des mensonges, parfois par omission, en provenance des conseillers de la ministre du Travail, qui furent leurs interlocuteurs principaux. À la fin du mois de septembre, d’habitude très mesuré, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger,