«On a appelé le PS, ça ne répondait pas. » Voilà, cet épisode 1 est terminé. Et cette série aussi, qui était pourtant la saison 2 des Grands primaires après la joute de droite dont François Fillon sortit vainqueur. C’était la plus courte de toute l’histoire des Jours. Bisous.
Avouez que c’était tentant comme couverture de la primaire de gauche. Et assez bien résumé aussi – notre modestie légendaire dût-elle en souffrir. C’est sans doute la candidature de Vincent Peillon qui nous a achevés, incompréhensible, ou alors on a eu peur de trop bien comprendre. Et sa prestation télévisuelle du week-end dernier aussi, où pendant des minutes qui ont paru des heures face à un Laurent Delahousse au bord de la crise de nerfs il a réussi à ne rien dire. Mais qu’est-ce que ça veut dire, Peillon ? Et comment se situe-t-il par rapport à Manuel Valls ? Plus à gauche, moins à droite, en dessous, sur le côté ? Et par rapport à François Hollande, est-ce son héritier, alors qu’il a fugué en 2014 ? Et surtout, surtout, surtout : a-t-on vraiment envie de se poser des questions sur Vincent Peillon ? Et sur Gérard Filoche ? Arnaud Montebourg ? Jean-Luc Bennahmias, sérieux, Jean-Luc Bennahmias ? Et, pas de jaloux, hein, Manuel Valls (et son « La France, oui la France » pas surjoué du tout lors de l’annonce de sa candidature) nous plonge tout pareil dans des abîmes de perplexité. Perplexité qui, des abîmes, a atteint des sommets frisant le courroux des oreilles, ce jeudi matin sur France Inter, quand, AbracadaValls, celui qui était encore Premier ministre il y a dix jours, a, tranquillou bilou, annoncé vouloir supprimer le 49.3 permettant de faire passer une loi en force, lui qui l’a utilisé à six reprises. Désolés, Manuel, ça se voit un peu que tu prends tout le monde pour des jambons.
Voyez ce désarroi qui est le nôtre et qui, nous vous le déclarons en conscience, car nous sommes allés à la rencontre des Français sur les territoires de la République et ils nous le disent, est le vôtre aussi. Mais vous seriez bien inspirés, chers abonnés, de nous rappeler à l’ordre journalistique, histoire qu’on arrête de chouiner comme des socialistes persuadés que, hein, de toute façon, à quoi ça sert cette primaire, vu que ça va se terminer avec Fillon-Le Pen ou Fillon-Macron ou Macron-Le Pen, en tout cas sans que personne du parti majoritaire de gauche – oui, c’est bien du PS dont nous sommes en train de parler – ne passe le premier tour de la présidentielle ? Rien n’est écrit, bon sang ! Révoltons-nous !
« Heu, dis donc, on n’est pas en train de citer du Valls dans le texte, là ?
Ah oui, t’as raison, on s’est un peu laissés emporter.
Oui enfin, surtout toi, qui devais écrire cette partie, espèce de vallsiste. »
Excusez le surgissement de cet aparté entre auteurs, c’est que, c’est bien connu, des militants nous l’ont dit dans un meeting de François Fillon, les journalistes sont tous de gauche. Reprenons. Ladies and gentlemen : la primaire citoyenne. Enfin plus exactement « les primaires citoyennes », manière de dire, certainement, qu’elle sont ouvertes à tous. Enfin du moins à ceux qui ont adhéré à la Belle alliance populaire, du nom de la holding créée par le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, et qui rassemble le Parti socialiste, Le Parti écologiste (LPE) – issu d’une fuite d’Europe Ecologie-Les Verts – ainsi que l’Union des démocrates et des écologistes (UDE) dont le seul but semble être de placer Placé, Jean-Vincent de son prénom, président de ce qui serait un peu exagéré d’appeler un mouvement.
Enfin, elles sont un peu plus ouvertes à certains que d’autres car si Pierre Larrouturou (Nouvelle donne) en est exclu faute d’avoir adhéré à la Belle alliance populaire… MAIS ATTENDEZ BREAKING NEWS, au moment où nous étions en train d’écrire cette phrase, nous apprenons en direct que SYLVIA PINEL EST CANDIDATE ! Ouf, nous allons enfin pouvoir redormir, depuis des jours et des jours que nous nous rongions les sangs dans l’attente de savoir si la représentante du Parti radical de gauche (PRG) allait en faire partie de ces fout… heu très intéressantes et tellement démocratiques primaires. Car donc oui, pour reprendre le fil de notre article, elles sont plus ouvertes à certains qu’à d’autres, ces primaires. À Pinel, plus connue sous le nom de loi que de Sylvia, elles l’étaient particulièrement. Car figurez-vous que depuis le funeste retrait de Marie-Noëlle Lienemann, il n’y avait pas une seule femme en lice. Ce qui, en plus de sentir le vestiaire, donne une bien curieuse image de la gauche.
C’est bien, cette obsession, ça permet d’apprendre plein de nouveaux noms d’oiseaux à utiliser pour les engueulos du réveillon. Oui, car ce qu’on a compris de ces primaires, c’est qu’elles sont avant tout une guerre de courants pour initiés de « Solfé » (Solférino, voyons, ainsi qu’on désigne métonymiquement le siège du PS, sis rue de Solférino dans le VIIe arrondissement de Paris). Ainsi, la candidature de Vincent Peillon est une contre-offensive des hollandais (la tribu de François Hollande, en langage de journaliste politique) envers les vallsistes. Contre-offensive alimentée par les aubrystes et les hidalgoïstes, dont la haine des vallsistes est supérieure à leur détestation des hollandais. Notons que, maintenant que François Hollande s’est retiré lui-même du mouvement, les hollandais défunts se retrouvent peillonistes ou à peu près, certains virant vallsistes. Une bonne vieille guerre de courants comme dans un bon vieux congrès socialiste, en somme. Où il faut être intellectuellement équipé pour repérer ce qui sépare un peilloniste d’un vallsiste et avoir bien révisé son nuancier de roses : Valls, dragée ? Hamon, framboise ? Ce qui ne nous dit pas qui arbore le délicieux rose Cuisse de Nymphe émue…
Une guerre où on n’envisage la politique que comme une course de petits chevaux où tous les moyens sont bons pour plomber le bourrin d’à côté. En témoigne cette piteuse affaire de cotisations dont ne se s’est pas acquitté Vincent Peillon et dont ne se serait pas acquitté Arnaud Montebourg, alors qu’il faut être à jour pour être candidat aux primaires. « Boules puantes », a dit l’équipe du premier. « Boules puantes vallsistes », a précisé l’équipe du second. Forcément, chez les partisans de Jean-Luc Mélenchon et chez ceux d’Emmanuel Macron (oui, les mélenchonistes et les macronistes, vous avez compris), on se marre.
Car, dans ces primaires réduites aux acquêts socialistes, on ne voit qu’eux, les absents Mélenchon et Macron. D’où panique à Solfé. Jean-Christophe Cambadélis est ainsi à ce point persuadé du potentiel de ses champions maison face à Emmanuel Macron qu’il lui a proposé rien moins qu’une « wild card », pour s’affranchir de la date limite de dépôt des candidatures et participer aux primaires.
La ficelle est un peu grosse, et l’hameçon tellement voyant, que Macron aura du mal à mordre. Va donc pour les neuf candidats – deux de plus qu’à la primaire de la droite et du centre, ce qui augure d’un temps de parole riquiqui lors des débats télé. Huit d’entre eux ont en commun d’avoir dans le viseur le neuvième, Manuel Valls. À des degrés divers, bien sûr. De Sylvia Pinel, modérée à l’endroit de son ancien Premier ministre, à Gérard Filoche, qui estime la candidature de Valls « à gerber », en passant par Benoît Hamon, qui la voit comme « la plus clivante qui soit », et Arnaud Montebourg (Valls, « libéral autoritaire », « a désarticulé la gauche », a-t-il dit au Monde).
Est-ce que quelqu’un d’autre rassemble plus que moi ?
Réponse de Valls ? C’était mercredi, lors de l’inauguration de son QG de campagne (dans un immeuble de bureaux du XIIIe arrondissement de Paris, 300 m2, oscillant entre moderne et moche – mais plutôt moche). « Est-ce que quelqu’un d’autre rassemble plus que moi ? », a-t-il dit la bouche en cœur à l’assemblée de journalistes réunis. Heu, frère, oui, tout le monde. Par exemple, Arnaud Montebourg, qui était arrivé troisième de la primaire de 2011 avec 17,19 % des voix derrière François Hollande et Martine Aubry et bien avant Manuel Valls, cinquième avec 5,63 % des voix. De quoi « renverser la table », « faire bouger les lignes », bref, on n’est pas à l’abri d’une « séquence Montebourg », selon la panoplie langagière des journalistes politiques que nous sommes désormais, pauvres de nous. À moins qu’Hamon…
« T’es hamoniste, toi, maintenant ?
Je sais pas, je me dis que maintenant que Marie-Noëlle Lien…
Ah oui, j’avais oublié que t’étais lienemanniste.
Espèce de petit(e) montebourgeois(e) ! »
Bon, pas tout à fait des journalistes politiques quand même, car nous nous garderons de tout pronostic à l’emporte-PS, sinon celui-ci : c’est un merdier velu.
Mis à jour le 17 décembre 2016 à 13h30. La Haute autorité de la primaire citoyenne vient d’éjecter Gérard Filoche et Fabien Verdier de la course. Les candidats seront donc sept, pile comme la primaire de droite et du centre.