La députée Brigitte Kuster sait y faire avec les mamies pomponnées, émues, endimanchées le lundi, toutes mignonnes à l’heure de faire la queue sur le trottoir. Elles sont venues faire la bise au grand Michel Barnier, 70 ans, l’un des cinq candidats à la primaire fermée des Républicains. À la sortie d’un café politique, place de l’Étoile à Paris, certaines dames sont intimidées. La députée leur frotte le haut de l’épaule droite. « Allez-y, madame, Michel Barnier sera très heureux de faire une photo. » S’il y avait une catapulte à mamies, Brigitte Kuster tournerait la manivelle sans discontinuer. Tir en pleine cible. « Vous êtes un vrai montagnard, monsieur ! » « Merci, madame. » Les potentielles électrices, appelées à un vote électronique du 1er au 4 décembre pour désigner le représentant de LR à la présidentielle, repartent en taxi ou en balade pédestre. Elles se sentent encore toutes choses. Une moitié de la foule déclare : « Il est grand. » L’autre moitié se surprend à dire : « C’est un super candidat, mais… »
Qui a déclaré que le vétéran de la compétition ne ferait qu’une bouchée de Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Éric Ciotti et Philippe Juvin ? Sans doute les mêmes titres qui écrivent depuis une semaine « Barnier : la chute ». Les voyants lisaient dans les entrailles d’une consultation sauvage des parlementaires ou des patrons de fédérations départementales, faisaient grand cas des interviews « off » et des rumeurs du village LR. Or, à une semaine du vote, Barnier apparaît dans un entre-deux insipide et dangereux, ni assez rassurant, ni assez belliqueux dans les joutes et saillies miniatures. En solo, il se perd dans sa parole. À la télé, il se la fait couper. Prompt à égratigner Bertrand mardi, Ciotti a préféré ménager Barnier dimanche, en direct sur CNews. Le candidat super-droitier s’est tourné vers le vénérable sage et lui a parlé trop doucement, trop gentiment, comme à un homme hors du coup : « Michel, tout ça est utile, mais le sport [renforcé à l’école, ndlr] ne peut pas être la réponse aux 79 morts [annuels] des caïds qui se tuent entre eux et tiennent les territoires. »
Tu dis qu’il est intéressant, mais sur quoi ?
– Oh… Il n’est pas dans les guerres d’egos, lui. Tu vois, il sait rester digne.
À son café politique dans le XVIe arrondissement, le 15 novembre, avant que la presse souligne le gouffre entre la promesse et la réalité, l’image et le discours, une dame exprimait ses doutes : « Il est catastrophique sur la forme, mais il est intéressant sur le fond. » Une amie assise dans la même alcôve semblait plus perplexe encore : « Tu dis qu’il est intéressant, mais sur quoi ? » « Oh… Il n’est pas dans les guerres d’egos, lui. Tu vois, il sait rester digne. » Ces supposés partisans ont le vocabulaire de la défaite et, pourtant, rien n’est irrémédiablement perdu dans un scrutin mystère, qui réunit les 140 000 adhérents à jour de cotisation.