La prise en charge des émigrés par l’État islamique commence dès la Turquie. Ce service d’émigration jihadiste est bien rodé. À son atterrissage à l’aéroport, la famille de Yassin, qui a pris la décision inouïe d’aller chercher son fils et frère blessé, est déjà attendue par un agent de l’État islamique (EI). Un Égyptien. D’ordinaire, les candidats étrangers au jihad sont rassemblés dans des madafa, des maisons de transit, à Istanbul. Un étage est réservé aux femmes, un autre aux hommes. Mais la famille refuse, préférant séjourner dans un hôtel avant de rejoindre la frontière syrienne. L’Égyptien accepte et les y conduit. Il ne vous lâche pas. Il voit où est-ce que vous êtes, dans quel hôtel. Il vérifie tout. Il voit tout. Il a une mission. Il vous emmène d’un endroit à un autre. Après, il rend ses comptes à quelqu’un d’autre. Ils communiquent comme ça. C’est tout un réseau.
La famille ne s’inquiète pas de l’intrusion de ce cornac barbu dans son huis clos. Elle en profite pour faire un brin de tourisme à Istanbul, emmène ses filles au bowling. Fayçal, le père, prend sur lui pour banaliser la situation.