Elle est toute seule, dans l’arrière-salle d’un bistrot du quartier Oberkampf. Devant elle, son écran d’ordinateur affiche le programme d’Emmanuel Macron dévoilé le matin même. De temps en temps, elle jette un coup d’œil vers la porte d’entrée. Caterina Avanza attend les militants d’En marche du XIe arrondissement de Paris pour célébrer l’arrivée de ce qu’ils appellent le « contrat avec la nation » et regarder ensemble leur candidat au JT de France 2.
Depuis des semaines, les adhérents du mouvement font patienter ceux qui les interpellent sur l’absence de programme de leur candidat. Dévoilé lors d’une conférence de presse soigneusement préparée, le programme de 17 pages à télécharger est arrivé dans leur boîte mail, et simultanément a été mis en ligne sur le site d’En marche et les pages Facebook des comités. Un animateur l’a imprimé. Des responsables du « Pôle contenu » ont planché dessus pour le populariser auprès des adhérents. Pierre-Marie Debreuille, que j’avais suivi au meeting de Lyon (lire l’épisode 3, « Des fidèles pour une grand-messe »), y a décelé des mots nouveaux. Il me les pointe du doigt : « conquête », « ambition ». Je lui demande : « C’est fini la “bienveillance” ? »

Les adhérents arrivent au compte-goutte, vers 19 heures, s’installent. Caterina se rassure. Ils sont nombreux. Les nouveaux viennent se présenter. Ariane, par exemple, s’est décidée parce qu’elle a trouvé « courageux » les propos de Macron sur la colonisation, même si elle a été troublée lorsqu’il s’est rétracté. « Peut-être que les gens comme nous n’étaient pas là pour lui dire de ne pas céder. Je suis africaine, c’est la vérité de dire que la colonisation a fait des dégâts... » Elle vient d’obtenir la nationalité française, ce sera sa première élection, annonce-t-elle avec un grand sourire, avant de s’installer dans le fond. Attablée avec un petit groupe qui discute de l’obstination de François Fillon dans la course présidentielle, une dame, la soixantaine, glisse à ses voisins qu’elle a fait ses études à Sciences-Po avec Anne Méaux… « Vous savez, celle qui murmure à l’oreille de Fillon. » Je n’entends pas la suite de la conversation.
Le projet était assez secret, on attendait avec impatience ; il est finalement arrivé.
La salle s’est remplie. Je compte 65 personnes. Marianna Mendza a pris le micro. Elle fait partie des militants de La planète Marche que j’observe. Elle n’avait jamais fait de politique, la voilà « référente » du comité du XIe arrondissement qui, annonce-t-elle, compte 2 500 adhérents.