Tout, Vladimir, mais pas la frite. Tout mais pas la fin de ce bruit délicieux, ce «shhhhhh» du bâtonnet de pomme de terre plongeant tête la première dans un bain bouillant d’huile de tournesol. Pour le moment, la pénurie actuelle de ce nouvel or jaune tient plus de la surréaction des consommateurs inquiets de la guerre russe en Ukraine opposant les deux principaux producteurs de tournesol au monde (lire l’épisode 1, « L’huile déserte »), mais s’il se prolonge, le conflit entraînera de fait une raréfaction du précieux liquide. Celui sans lequel aucune frite n’est possible (en tout cas en France). Sacrilège.
Car l’addiction est réelle. L’estimation classique de 11 millions de tonnes consommées annuellement à travers le monde – mais surtout dans les pays du Nord –, soit 350 kilos par seconde, paraît encore basse à Bertrand Ouillon, délégué général du GIPT (Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre). Lui préfère parler de «18 à 20millions de tonnes de produits surgelés à base de pommes de terre». Auxquelles il faut encore ajouter les frites fraîches. Bien sûr, pendant les confinements successifs, la frite a connu un coup de moins bien car elle se mange plus à l’extérieur qu’à la maison. Mais en France, elle reste l’accompagnement privilégié au restaurant : depuis 2017, deux assiettes sur trois en accueillent, selon une étude du cabinet spécialisé Gira Conseil.
Mais le roi de la frite n’est ni français, ni même belge – même si nos voisins restent les numéros un côté production comme consommation.