En commençant leurs travaux, les trois juges d’instruction du pôle de Nanterre savaient bien sûr qu’ils allaient se confronter aux âmes en peine et aux images des corps meurtris de victimes de crimes impunis (lire l’épisode 1, « Le terminus des tueurs cachés »). Peut-être se doutaient-ils qu’ils tomberaient aussi sur beaucoup de cadavres dans le placard de la justice, tant on sait que rouvrir de vieux dossiers peut alimenter l’encyclopédie des loupés. Bingo sur ce point, la première mise en examen prononcée par le pôle en octobre 2022
La mise en examen vise un homme de 70 ans arrêté initialement en septembre 2020 près de Carpentras, dans le Vaucluse, car il filmait sous les jupes de femmes dans un supermarché. Une perquisition chez lui et l’examen de son ordinateur ont mis au jour une autre affaire effarante, puisqu’on a découvert qu’il « livrait » son épouse sur internet et permettait à des inconnus de la violer après l’avoir droguée et anesthésiée. Pas moins d’une cinquantaine d’hommes sont mis en examen et écroués pour viols dans cette procédure avec le septuagénaire, un père de trois enfants et plusieurs fois grand-père, en apparence rangé et tranquille et dont la fille, effarée, a changé de nom et écrit depuis un livre intitulé Et j’ai cessé de t’appeler Papa. L’ADN du suspect a été versé au Fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg) et, en 2022, il est apparu qu’il correspondait à celui relevé sur la scène d’une tentative de viol en 1999. C’est là qu’ont surgi les cadavres du placard judiciaire.
Saisie de ce dossier, la juge d’instruction du pôle « cold cases » Nathalie Turquey est en effet bien embarrassée. Comme il a fait l’objet d’un non-lieu au tribunal de Meaux en 2001 faute de résultat