Il a fallu de longues heures pour consigner la version de chacun. Selon les informations des Jours, la juge d’instruction parisienne chargée de l’affaire de corruption et de trafic de stupéfiants qui touche la brigade anticriminalité du XVIIIe arrondissement (lire l’épisode 1, « À la Goutte-d’Or, tout le monde connaît “Bylka” ») a réuni, ce lundi 9 décembre, les principaux protagonistes du dossier pour une confrontation. Sur les sept personnes mises en examen au mois de juin (lire l’épisode 2, « BAC du XVIIIe : trois nouveaux policiers mis en examen »), quatre étaient convoquées dans son bureau : les deux policiers qui font l’objet des accusations les plus graves, le brigadier Karim M., dit « Bylka », et son coéquipier Aaron B., ainsi qu’Ahmad M. et Abdoulaye D., soupçonnés d’avoir corrompu les fonctionnaires et provoqué des interpellations qui n’avaient pas lieu d’être.
Accompagnés de leurs avocats respectifs, ces mis en examen ont fait face à deux hommes se disant victimes d’affaires de drogue montées de toutes pièces : Aymen I., dont nous racontions l’histoire précédemment (lire l’épisode 4, « Aymen I., victime d’une machination dans l’affaire de la BAC ? »), et Nazim B., l’une de ses connaissances. Un troisième cas litigieux n’a pas pu être examiné ce lundi en l’absence du plaignant, actuellement incarcéré, qui a refusé d’être extrait. Il pourrait faire l’objet d’une confrontation ultérieure.

Le fil des responsabilités sera long à démêler. En jargon policier, un coup monté s’appelle un « chantier ». Mais qui en sont les instigateurs ? Et jusqu’à quel point les protagonistes se sont-ils dupés les uns les autres ? L’enquête vise notamment à établir si le brigadier Karim M. était de mèche avec Abdoulaye D. et Ahmad M., ses informateurs officieux, ou si le policier a été embobiné malgré lui dans des règlements de compte. Karim M. maintient qu’il a profité des renseignements fournis pour réaliser des flagrants délits, sans malice de sa part ni contrepartie monétaire.
Je savais qu’il avait besoin de faire des affaires pour monter, il m’a filé une fois 50 grammes de shit.
En garde à vue, Abdoulaye D. justifiait ainsi ses coups de main à « Bylka » : « Je savais qu’il avait besoin de faire des affaires pour monter, il m’a filé une fois 50 grammes de shit. » Ahmad M., à l’origine des arrestations examinées ce lundi, affirmait en revanche avoir versé 80 000 euros à Karim M. C’est sur ce fondement que le brigadier est mis en examen pour corruption passive et blanchiment, bien qu’il démente formellement avoir touché de l’argent.