«C’est bien la campagne dans son ensemble, du début à la fin, qui s’est déroulée dans un climat d’absence de rigueur et de tricherie généralisée », lit Caroline Viguier, reprenant les mots que le juge d’instruction, Serge Tournaire, a inscrit dans son ordonnance de renvoi. À bout de souffle, la présidente du tribunal clôt ainsi près de quatre heures de résumé des faits : les fausses conventions facturées par l’agence Bygmalion à l’UMP, les boîtes mail où les messages envoyés pendant la campagne ont disparu, les devis supprimés… À l’issue de toutes ces malversations, le budget de campagne de Nicolas Sarkozy a dépassé le plafond de près de 20 millions d’euros, près du double de la somme autorisée (lire l’épisode 1, « Bygmalion : fausses factures et vrai procès »). Le système de double facturation ne fait plus aucun doute, il a été attesté pendant l’enquête. Mais personne n’assume la fraude. Le procès doit éclaircir les responsabilités : parmi les quatorze prévenus issus des rangs de l’UMP, de Bygmalion et de l’équipe de campagne, qui savait, qui a décidé, qui a mis en place ? Une gageure pour le tribunal, confronté au grand bal de la défausse. Le directeur de campagne, Guillaume Lambert, a assuré n’être au courant de rien. Le directeur de campagne adjoint, Jérôme Lavrilleux, a reconnu l’existence des fausses factures mais nie l’avoir décidé. Le fondateur et président de Bygmalion, Bastien Millot, lui, n’a jamais entendu parler de double facturation… Quant au Président-candidat, Nicolas Sarkozy, qui a signé les comptes de sa campagne de 2012, il est le seul absent et ne passera pas une tête dans la salle d’audience avant sa convocation mi-juin.

Premier à être interrogé, ce mardi 25 mai, Franck Attal se définit lui-même comme l’« opérationnel » de Bygmalion. Pendant la présidentielle, il était le dirigeant d’Event & Cie, la branche dédiée à l’événementiel de l’agence. Son métier ? « Livrer des meetings », insiste-t-il. Avant de raconter les débuts de la campagne : les premières commandes sans format précis, avec des « demandes additives, au fil de l’eau ». Sans contrat-cadre non plus, ni avec l’UMP, ni avec les prestataires. Mais il faut que ça « pète » et « mettre le paquet à tous les niveaux ». À la mi-mars, pour le meeting de Villepinte, en Seine-Saint-Denis, un réalisateur venu de la télévision lui est imposé, dans une débauche de moyens : scène géante, écran de 100 mètres de long et quinze mètres de hauteur, une soixantaine de rétroprojecteurs…