C’était donc cela, le dossier des attentats de janvier 2015, ses six années de procédure, ses trois mois de procès historique devant des centaines de journalistes du monde entier, ses milliers de procès-verbaux accumulés par trois services de police, ses pétitions de principe, ses plaidoiries brillantes : quatre qualifications de terrorisme retenues par la cour, dont trois relativement anecdotiques dans la construction des attaques, sept petits délinquants coupables seulement de faits périphériques sans rapport direct avec les projets jihadistes, et des zones d’ombre, des absents, beaucoup d’absents (lire l’épisode 2, « Le procès des spectres »). Cette audience, qui a épuisé les qualificatifs et les récits en matière d’émotion (lire l’épisode 4, « “Cet attentat, il est en moi comme incarné dans ma peau” »), sera la première d’une série qui pourrait être longue, car l’affaire ne sort pas totalement élucidée de ce procès.

Dans une décision très motivée, à consulter ici, les cinq magistrats de la cour d’assises spéciale ont considéré comme établie la complicité du principal accusé, Ali Riza Polat, un Franco-Turc de 35 ans, dans les attaques de janvier 2015 (lire l’épisode 8, « Ali Riza Polat, un alibi de bandit »). Il a aidé Amedy Coulibaly financièrement par des escroqueries, pour la recherche de son logement « conspiratif » de Gentilly (Val-de-Marne) et pour la recherche d’armes, comme le montre une note de sa main retrouvée en Belgique. Il a mis en contact le tueur avec plusieurs autres personnes, a mis à disposition de tout le monde des lignes portables dédiées, fermées après les attaques perpétrées à l’Hyper Cacher. La radicalité d’Ali Riza Polat peut également être considérée comme établie, disent les juges, par plusieurs témoignages, même s’il la nie. Il est par ailleurs démontré matériellement qu’il a cherché à passer en Syrie juste après les attaques, dit l’arrêt de la cour. Sa condamnation à trente ans de réclusion dont vingt incompressibles est cependant inférieure aux réquisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat), qui voulait la peine maximale de perpétuité avec vingt-deux ans de sûreté.
D’ailleurs, le raisonnement du Pnat, qui voulait étendre l’infraction d’« association de malfaiteurs terroriste criminelle », passible de vingt ans de réclusion, jusqu’à des faits et des protagonistes quasi anecdotiques (lire l’épisode 15, « “Je ne vois pas ici de soldat du califat” »), n’est pas suivi.