La vieille arnaque

Ancienne cancérologue, Michèle Delaunay est conseillère municipale PS à Bordeaux et militante du « bien vieillir ». Entrée en politique sur le tard (à 55 ans), elle s’est occupée de la partie santé du programme de Ségolène Royal en 2007, et a connu une petite célébrité lors des législatives la même année, en battant Alain Juppé. En 2012, elle est nommée ministre déléguée aux Personnes âgées. Elle est à l’initiative de la création de la filière « silver économie » un an plus tard et prépare la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qu’elle ne peut pas défendre, éjectée du gouvernement par Manuel Valls. Battue aux législatives de 2017, elle continue depuis à s’exprimer sur les questions liées à l'âge, que ce soit via son blog ou ses comptes sur les réseaux sociaux.

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Dans l’imaginaire des publicitaires, il a une jaguar, les tempes argentées, porte des lunettes et met du soin anti-relâchement de Clinique for men. Avec ses stock-options, il a pu s’acheter une propriété en Normandie qui lui sert de base-arrière pour se ressourcer les week-ends, avec sa femme de vingt ans plus jeune, qui travaille dans la com. La semaine, il a une vie de dingue à Paris entre son travail de cadre, les conseils d’administration dans lesquels il cachetonne et les concerts de rock qu’il ne veut surtout pas manquer. Le marketing le désigne sous l’appellation « senior », mais lui ne voit vraiment pas ce qu’il fait ici parce qu’à 57 ans, il n’est pas vieux du tout.

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Dans l’imaginaire des publicitaires, elle habite à Vélizy, elle a trois enfants, neuf petits enfants et un chat, vit en pavillon et est abonnée au magazine Pleine Vie. Elle est bénévole pour la Croix-Rouge et les Restos du cœur et fait des gâteaux au chocolat les mercredis après-midi quand elle s’occupe de ses petits enfants et que son mari bricole dans le garage. Elle a les cheveux courts et gris qu’elle a arrêtés depuis peu de teindre. Elle part en vacances en septembre à Menton pour profiter des prix plus modérés de l’arrière-saison, mais elle peut quand même s’offrir des bons restaurants grâce à sa retraite à taux plein acquise quand elle a arrêté de travailler il y a maintenant dix ans. À 75 ans, et avec quelques problèmes d’audition qui commencent à se manifester, elle accepte d’être considérée comme « vieille », mais regarde encore d’un air distrait les publicités pour les douches italiennes ou les baignoires à porte.

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Dans l’imaginaire des publicitaires, elle revient de l’hôpital après une fracture à cause du tapis de l’entrée, dont les bords sont mal fixés. Elle se dit qu’elle s’en tire bien mais que la prochaine fois, ce sera l’Ehpad. Là, l’énorme pendentif connecté en forme de fruit que sa fille – qui vit à 200 km – l’a poussée à acheter lui permettra de prévenir plus rapidement les secours en cas de nouvelle chute. Il faut dire que dans le village où elle habite, pas grand-monde ne lui rend visite si ce n’est, de temps en temps le facteur et la dame de la mairie qui vient pour l’aide à domicile. Mais elle ne s’ennuie pas. Il y a le déjeuner des anciens chaque année, la liste des courses à remplir pour la livraison des commissions tous les quinze jours. Sinon, elle a ses mots fléchés et Télé Z, Jean-Pierre Pernaut et Michel Drucker. Elle regrette juste que ce ne soit plus Patrice Laffont qui anime Des Chiffres et les lettres. Elle a 97 ans, et elle nous enterra tous.

Retrouvez tous les épisodes avec L’ancêtre qui nous enterrera tous.

Dans le secteur de l’économie du vieillissement, il est partout. Luc Broussy (52 ans), nouveau responsable de la filière gouvernementale de la « silver économie », est directeur du groupe EHPA Conseil, Presse & Formation, qui édite Le Mensuel des maisons de retraite et Le Journal du domicile. Il est aussi président de l’association France Silver Eco (qui réunit des entreprises du secteur) et directeur du think tank Matières grises, créé en 2018 pour « être force de proposition sur les grands sujets liés au vieillissement ». Avant cela, il a été directeur du Synerpa, le syndicat national des maisons de retraite privées (de 1993 à 2005). Il milite au PS depuis sa jeunesse (d’abord dans le courant rocardien). Il a ainsi été élu conseiller général dans le Val-d’Oise, a conseillé François Hollande lors de la campagne présidentielle en 2012. Ce qui lui avait valu d’être désigné rédacteur d’un rapport « sur l’adaptation de la société au vieillissement de la population », qui a préfiguré la loi du même nom adoptée en 2014. Ce « grenouillage » tous azimuts lui avait valu les honneurs de Mediapart qui, en 2013, avait publié son portrait : « Conflit d’intérêts : les casquettes multiples du “Monsieur Vieillesse” du gouvernement ». Et en plus, Luc Broussy est un fan de musique. En 2016, il a racheté Magic, « la revue pop moderne », mais son management n’a pas du tout été apprécié par l’ancienne équipe qui a choisi de démissionner collectivement.

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