Nicolas Sarkozy se tient bien droit à la barre du tribunal, jambes écartées, les mains jointes devant lui. Le président Benjamin Blanchet l’informe qu’il peut ôter son masque pour s’exprimer. L’ancien président de la République hésite, le baisse sous son nez mais ne l’enlève pas tout à fait. Le geste est signifiant : au procès des sondages de l’Élysée, le Sarkoshow n’aura pas lieu. Déjà condamné à deux reprises ces derniers mois dans l’affaire des écoutes (lire l’épisode 9 de la série Sur écoute), puis dans l’affaire Bygmalion (lire l’épisode 14 de la série Bygmalion, la com aux mains sales), avant de faire appel, Nicolas Sarkozy a refusé, ce mardi 2 novembre, de répondre aux questions posées par le président, Benjamin Blanchet. Cité à comparaître comme témoin par l’association Anticor, il avait d’abord manifesté, par écrit, son refus de venir s’exprimer. Le tribunal en a décidé autrement : à l’ouverture du procès, il a délivré un mandat d’amener à son encontre, estimant que le témoignage de l’ancien chef de l’État était « nécessaire à la manifestation de la vérité ». Les forces de l’ordre n’ont pas eu besoin d’aller le chercher à son domicile ; Nicolas Sarkozy s’est présenté de son plein gré au tribunal correctionnel de Paris. Mais il a refusé d’éclairer la justice sur les dépenses de sondages et les circuits de leurs commandes sous sa présidence.
Deux de ses conseillers officieux sont poursuivis pour recel de favoritisme, abus de bien social ou détournement de fonds publics. Conseiller politique jamais entré à son cabinet, Patrick Buisson a engrangé 2,7 millions d’euros d’honoraires, en rachetant des sondages via ses sociétés PubliFact et PubliOpinion, et en les revendant à l’Élysée avec des marges de 65 à 75 %. Autre conseiller spécialiste en stratégie de communication, Pierre Giacometti, a bénéficié de sommes à peine moins importantes : 2,1 millions d’euros. Les contrats ont été signés par la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, à la demande du secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant. Tous ont renvoyé la responsabilité de la commande des sondages vers le chef de l’État. Couvert par son immunité présidentielle, qui offre une immunité pénale pour les actes accomplis dans le cadre de son mandat, il a échappé à la mise en examen.
Je n’ai pas à rendre compte de la constitution de mon cabinet ou de ma façon de gouverner devant un tribunal mais devant les Français. D’ailleurs, par le passé, j’ai été élu, j’ai été battu.
Mais à la barre, dans un propos liminaire, Nicolas Sarkozy estime que la décision du mandat d’amener, « apprise par la presse », insiste-t-il, est « inconstitutionnelle et totalement disproportionnée ».