Ces paysans ont de tout petits élevages, environ dix fois moins de têtes que leurs voisins, environ cinq fois moins que le minimum recommandé par les chambres d’agriculture pour s’installer. Leurs bêtes ont souvent un prénom. Elles ont aussi une espérance de vie deux fois plus élevée que la majorité de leurs congénères des gros élevages. Elles paissent en plein jour, leurs viande et fromages sont bios. Mais ces éleveurs qui aiment tant leurs animaux voudraient aller plus loin. L’étape suivante peut sembler paradoxale : ils souhaitent avoir le droit de tuer leurs veaux, vaches et cochons à la ferme. Beaucoup le font même déjà. Ils vendent cette viande en secret car la pratique est illégale : ils risquent six mois de prison et 15 000 euros d’amende. Rares sont les hors-la-loi qui l’assument.
C’est le cas de Charles Wirth, producteur de fromages de chèvre bios dans les Alpes-Maritimes, dont nous vous avons parlé dans notre enquête sur l’association L214 (lire l’épisode 3, « L214, la video dans le sang »). Avec son épouse, Véronique Sonntag, ils élèvent cinquante chèvres et quatre-vingts cabris. La majorité finira à l’abattoir de Puget-Théniers (Alpes-Maritimes), le dernier établissement épinglé par L214. Au début des années 2000, la présence de Charles Wirth était tolérée jusque dans l’abattoir. Il étourdissait lui-même ses animaux avant qu’ils soient saignés, il les accompagnait jusqu’à leur mort.