Ce vendredi 10 décembre, la Cour suprême a rendu sa décision sur deux appels distincts contre la loi SB8 du Texas, relative à l’avortement dans cet État, pour lesquels elle avait auditionné les parties le 1er novembre dernier. Dans une décision extrêmement complexe, la Cour suprême laisse, une nouvelle fois, la loi texane s’appliquer pour l’instant et donc continuer à restreindre le droit à l’IVG. Adoptée en mai 2021 par la législature locale conservatrice et signée avec enthousiasme par le gouverneur républicain Greg Abbott, cette loi est entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Elle interdit tout avortement, même en cas de viol ou d’inceste, dès le premier battement de cœur fœtal détecté, soit environ six semaines après la conception. Telle quelle, elle apparaît en immédiate contradiction avec la jurisprudence de la Cour suprême des arrêts « Roe v. Wade » de 1973, puis « Planned Parenthood v. Casey » de 1992 (lire l’épisode 14 de la saison 1, « Droit à l’IVG, la menace ininterrompue »). Celle-ci a garanti aux femmes un droit constitutionnel à l’interruption volontaire de grossesse ne pouvant être entravé par un État jusqu’au seuil de viabilité du fœtus, généralement admis autour de la 24e semaine. Et pourtant, la loi SB8 s’applique au Texas depuis mi-septembre, sans que la justice fédérale, y compris la Cour suprême, n’ait estimé nécessaire d’interrompre son application le temps des appels.
Cette apparente contradiction a une raison juridique simple : la loi SB8 a été conçue au Texas par ses promoteurs comme inattaquable devant la justice fédérale. Son application ne passe en effet pas par des actions d’officiers publics mais par des plaintes déposées au civil par n’importe quel citoyen du Texas contre toute personne ayant aidé à pratiquer un avortement après six semaines de grossesse. Cet appel à la vigilance et à la délation est motivé, de surcroît, par le remboursement des frais de justice des plaignants par l’État. Et il devient donc impossible pour une clinique pratiquant l’avortement d’attaquer l’État du Texas sur la constitutionnalité de la loi

C’est bien pourquoi la Cour suprême, début septembre, a refusé une première fois de suspendre en urgence l’application du texte à la demande d’une coalition de cliniques et d’associations texanes pro-choix.