Trois cents kilos de documents et quatre personnes pour gérer uniquement les dossiers des ex-salariés de SFR. Le cabinet d’avocats montpelliérain de Me Romain Geoffroy et Sarah Diamant-Berger est un peu débordé en ce début d’été. D’ici à la fin de semaine, il devrait avoir déposé 300 saisines dans quinze tribunaux de prud’hommes différents. Nantes, Massy, Marseille, Lyon, Paris… Quatre-vingts ont déjà été enregistrées. La carte des juridictions redessine les sites ou anciens sites SFR touchés, et certains même gommés, par le gigantesque plan de départs volontaires (PDV) qui a permis au groupe de supprimer, en quelques mois, 5 000 postes sur 15 000. Le plus gros plan social de France n’a pas fait beaucoup de bruit, mais il a produit une sourde colère chez une partie de ces « volontaires ». Finalement pas si volontaires que ça.
Pourtant, il y a tout juste un an, ces mêmes salariés de SFR se bousculaient au portillon de sortie. Le méga-plan de départs volontaires, dit « accord de New Deal », validé à l’ombre de l’été de 2016 par les deux syndicats majoritaires (Unsa et CDFT), prévoyait que les salariés pourraient se porter candidats entre le 1er juillet et le 30 novembre 2017. En réalité, plus d’un millier avaient pu partir avant même cette date. Et début juillet, à l’ouverture officielle du guichet, les ressources humaines et le cabinet d’accompagnement du plan ont croulé sous les candidatures au départ (lire l’épisode 5, « Le hara-kiri social »). Quelques mois auparavant, certains métiers avaient été définis comme « éligibles » au départ, et d’autres non. Une sorte de bourse d’échange avait été mise en place en interne, avec un site dédié où ceux qui voulaient partir alors que leur poste était conservé pouvaient troquer leur job avec ceux qui voulaient rester mais dont le poste était supprimé.
L’expression qui revient cependant le plus souvent dans la bouche des salariés pour qualifier cette période est « foire d’empoigne ». Pour avoir plus de chances d’être « pris », certains cachaient à leurs collègues les plus proches qu’ils avaient candidaté au départ. Une salariée de Saint-Herblain, un gros site de l’agglomération de Nantes, m’a même raconté avoir fait croire à son équipe qu’elle partait en vacances, alors qu’elle quittait l’entreprise après vingt ans de service. Chez les vendeurs en boutique, un système d’échange parallèle via les boites mail internes s’était monté, jusqu’à ce que la direction y mettre un terme.