Au téléphone, les retrouvailles sont chaleureuses, on se donne d’abord des nouvelles de la vie, de la santé, des enfants. On essaie de compter le nombre de mois depuis la dernière interview. En vrai, avec Jacky et Élodie, c’était devenu autre chose, ou plus, qu’un simple échange d’informations : un compagnonnage fait d’attention réciproque, chacun restant à sa place
C’est sur celui de Voreppe, en Isère, que Les Jours avaient décidé de s’installer, aux côtés des insurgés, pour raconter leur quotidien, leur rage, leurs espoirs (lire l’épisode 3, « “On est les sans-chaussettes, mais on est là, debout” »). Élodie, 34 ans, nous avait dit sa « colère présente depuis très longtemps ». Jacky, 66 ans, brandissait lui une grosse carotte (bio) au passage des voitures qui klaxonnaient alors à qui mieux mieux, en s’esclaffant : « Celle-ci, elle est pour toi, Manu ! » Les coups de trompette en soutien ont fini par baisser d’un ton, la chronique des « actes » successifs, les samedis de manif, s’est diluée dans l’actualité et les pirouettes sémantiques de la Macronie sur le maintien de l’ordre.
Élodie et Jacky n’ont jamais été des violents. Comme tant d’autres, ils sont restés les invisibles de ces fins de semaine exutoires, qui ont fait en une année 11 morts (principalement dans des accidents de la route) et plus de 4 000 blessés