Vendredi 23 novembre 2018, 11 heures. Amen enjambe la rambarde au quatrième étage de l’atrium du nouveau tribunal de Paris, devant les avocats et les magistrats. Un policier le retient de justesse par le bras, mais le jeune homme se laisse glisser, et atterrit douze mètres plus bas. Il s’en tire avec de multiples fractures. La Croix-Rouge, elle, encaisse la tempête médiatique. Car le jeune migrant burkinabé assure avoir 15 ans. Il affirme aussi, aux médias qui l’interrogent, avoir été mis à la porte du Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (Demie) – tenu par la Croix-Rouge – sans être écouté. Après avoir déclaré à la mairie de Paris qu’il ne figurait pas dans ses fichiers, l’association finit par concéder à Mediapart qu’il est« possible et probable » que le jeune Burkinabé se soit présenté sans être évalué correctement, « compte tenu du fait que le Demie doit faire face à un afflux important en ce moment ».
Pour les avocates Isabelle Roth et Catherine Delanoë-Daoud, coresponsables du pôle MNA (« mineurs non accompagnés ») de l’antenne mineurs du barreau de Paris et jusqu’ici assez positives sur le travail du Demie, il s’agit « d’une défaillance majeure du système », « symptomatique » d’une forme de « maltraitance » plus générale, précisent-elles dans Mediapart. Le collectif Les Midis du MIE (pour « mineurs isolés étrangers ») dénonce, lui, des « rejets au faciès ». « Nous disons qu’il n’a pas été évalué correctement, comme beaucoup d’autres », souligne Agathe Nadimi, la fondatrice du collectif, interrogée par le média en ligne.
Ce n’est pas la première fois que le dispositif fait l’objet de vives critiques. La liste est longue : absence de mise à l’abri pour les jeunes en attente d’évaluation, selon le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et l’Accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers (Adjie) ; refoulements au faciès à la grille, dénoncés par Les Midis du MIE ; procédures arbitraires et trop grande rapidité des « entretiens de premier niveau », d’après Human Rights Watch… Le 22 janvier dernier, une vingtaine d’associations, d’ONG et de syndicats se sont fendus d’une tribune dans Libération pour dénoncer les « conditions d’accueil et d’évaluation » au Demie (lire l’épisode 3, « “Tu lui aurais donné quel âge, toi ?” »). Au-delà des méthodes, les associations condamnent aussi la sévérité du Demie : 80 % des migrants qui passent par le dispositif de la Croix-Rouge ne seraient pas reconnus comme mineurs (lire