«Elle nous a révélé avoir un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros et 500 000 ou 600 000 euros de masse salariale ! » On ne saura pas qui se cache derrière ce « elle », si ce n’est qu’il s’agit d’une grande influenceuse. Et c’est au député socialiste Arthur Delaporte qu’elle a confié ces montants faramineux, dans une rencontre « off the record » lors de la préparation du projet de loi influenceurs (lire l’épisode 2, « Allô ? T’es influenceur et t’as pas de loi ? »). « Elle » a même ajouté que ses recettes provenaient à 40 % des placements de produits et qu’elle était entourée d’une dizaine de salariés.
Chez les gros influenceurs, ces chiffres sont monnaie courante. Louis Carboneill, cofondateur de l’agence d’influenceurs Agently, n’est pas étonné : « Ce sont des personnes qui s’entourent de chargés de production, de monteurs, de juristes pour les contrats, d’assistants pour gérer leurs tournages et leur emploi du temps. Squeezie, par exemple, a eu jusqu’à 90 personnes impliquées dans un projet ! » Bref, influence is the new economy.
« Il y a aussi un métier que l’on ne voit pas, complète Arthur Delaporte, c’est celui de modérateur. Certains, comme le youtubeur Sam Zirah [qui produit des émissions sur le monde des influenceurs et de la téléréalité, ndlr], peuvent avoir jusqu’à quatre ou cinq modérateurs quand ils diffusent en direct. » Des petites mains indispensables pour faire le ménage en temps réel sur YouTube ou Twitch et éliminer tout commentaire raciste, sexiste ou haineux. « C’est aussi un moyen d’avoir les réactions à chaud dans une oreillette pendant le direct », complète le député, devenu expert en la matière.
Quand on devient le boss d’une petite PME, il faut faire rentrer l’argent. Alors comment refuser les partenariats si ceux-là permettent de payer une partie des salaires ? EnjoyPhoenix (3,67 millions d’abonnés sur YouTube), pourtant, a choisi, comme quelques autres, de ne sélectionner que des partenariats en accord avec ses valeurs écologistes. En 2020, un an après cette décision, elle dressait le bilan dans une vidéo et constatait une perte d’un tiers de ses revenus liés aux partenariats. Un choix assumé mais qui montre à quel point dans l’influence, il n’y a pas de prime à l’éthique, au contraire.
Pour tous, le rapport aux partenariats est ambigu, le curseur reste difficile à placer et peut même susciter quelques tensions. Rebecca, qui a lancé son « vlog famille » en 2015 sur YouTube (