Indira Gandhi avait été assassinée quatre jours plus tôt et la tueuse en série Velma Barfield exécutée en Caroline du Nord deux jours avant. Les époux Laroche venaient d’être remis en liberté trois semaines après la mort de Grégory et Alain Chabat présentait la météo. C’était le 4 novembre 1984 et Canal+ naissait, cadeau de François Mitterrand à André Rousselet, son homme de confiance devenu patron d’Havas, à qui il octroie une fréquence gratuite. La première télé privée dans une France où, sur les trois chaînes publiques, couine l’accordéon d’Yvette Horner et frise la moustache de Michel Delpech. Les jeunes patrons s’appellent Pierre Lescure et Alain de Greef. C’est un dimanche.
La suite, on la connaît, des débuts chaotiques à base de décodeurs qui ne décodent rien aux années 1990 de gloire, quand Les Guignols font les présidents et que si tu as raté de Caunes la veille, tu peux tirer un trait sur ta vie sociale et passer le reste de ta vie devant Dance machine. Canal+ s’étend et s’enfle, s’achète le PSG, s’internationalise, se cote au CAC 40. Se fait bouffer dans les années 2000 par le Vivendi de Jean-Marie Messier. Se relève, se retape, se reconstruit sur ses fondamentaux. Les patrons s’appellent Bertrand Meheut et Rodolphe Belmer.
L’autre jour, je suis sorti du boulot et il y avait un tapis rouge devant l’entrée pour une émission d’Hanouna. Étaler le pognon d’Hanouna comme ça, en plein plan social, c’est humiliant.
La fin, vous pouvez la lire ici même, allez courage, il n’y a que 132 épisodes dans L’empire, et le patron s’appelle Vincent Bolloré. Comment Vincent Bolloré a mangé Canal+ (spoiler : salement), comment méthodiquement il a détruit tout ce qui en faisait le sel et la valeur. Canal+ a 35 ans et depuis quatre ans, Vincent Bolloré la tue. Pour son anniversaire, le saigneur et maître a offert à Canal+ un plan social. Pas n’importe lequel, non, carrément le plus gros de son histoire : 544 postes supprimés, 20 % de son effectif. « L’autre jour, je suis sorti du boulot et il y avait un tapis rouge devant l’entrée pour une émission d’Hanouna. Étaler le pognon d’Hanouna comme ça, en plein plan social, c’est humiliant. » Nous ne mentionnerons pas le nom de ce salarié, pas plus que tous les autres qui témoignent dans cet épisode où ils racontent leur Canal et le Canal d’aujourd’hui. Nous ne préciserons pas les secteurs dans lesquels ils travaillent qui les rendraient reconnaissables, nous maquillerons leur identité, leur âge, leur ancienneté, parce que c’est ça aussi qu’a fait Vincent Bolloré à Canal+ : terroriser.
C’était aussi la garantie, pour nos témoins, de ne pas être automatiquement catalogués comme candidats au plan social et de dire librement ce qu’ils ont sur le cœur et ils en ont gros.